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Science et Francophonie

Juillet 2015 No 042

Paraissant le 26 juillet 2015

Version du

18 aožt 2015, du 26II2016.

RŽdacteur en chef Pierre Demers.  Science et Francophonie para”t en ligne.

DŽp™t lŽgal volontaire ˆ la BaNQ.

Para”t sous lÕautoritŽ de la LISULF.  Ligue Internationale des Scientifiques pour lÕUsage de la Langue Franaise.

Directoire: Yvon Cozic, Maurice Day, Pierre Demers prŽsident, HŽlne Trudeau rŽdactrice, AndrŽ LŽpine trŽsorier, Yves Saint-Denis, RenŽ-Marcel SauvŽ secrŽtaire. Informaticien en rŽsidence: Patrick Demers.

RŽfŽrence ARC. ƒmettons des reus pour fins d'imp™t valables au QuŽbec et au Canada. NumŽro d'enregistrement : 888495041RR0001

LIGUE INTERNATIONALE DES SCIENTIFIQUES POUR L'USAGE DE LA LANGUE FRANCAISE             EnregistrŽe 1981-01-01    MONTREAL            QC

INSN.0825.9879. ƒditions PPD. Presses Pierre Demers

Science et Francophonie. Contenu du No 042, juillet 2015, paraissant le 18 aožt 2015.

NumŽro thŽmatique: Jacques Parizeau.

 

Juillet 2015 No 042

Patriote, homme d'ƒtat.

*Jacques Parizeau 9 VIII 1930 - 1er VI 2015, et Jeanne d'Arc 1412 - 30 V 1431.

P•erre Demers.

 

**Jacques Parizeau, des tŽmoignages.

Pauline Marois, JosŽe Legault, Maxime Laporte, Pierre Duchesne, Guy Breton.

Jacques Parizeau par lui-mme. Son voyage au bout de la nuit.

***Pour un QuŽbec souverain (1997)

Jacques Parizeau.

Un extrait de Science et Francophonie en 1982.

****Jacques Parizeau et le franais dans les publications scientifiques.

Jacques Parizeau, Pierre Demers, Jean-Pierre Chevnement, Fernand Lalonde, Camille Laurin et Jacques-Yvan Morin.

Le culte de l'absurde. La Reine ƒlizabeth.

*****De Jeanne d'Arc, Charles VII et Pierre Cauchon ˆ  Jacques Parizeau, RenŽ LŽvesque et Pierre-Elliott Trudeau.

Pierre Demers, Yves Saint-Denis.

L'Argent... Le Vote Ethnique... Si....

***** *Les paroles de Jacques Parizeau le soir du 30 octobre 1995.

Pierre Demers, Yves Saint-Denis.

***** **Votre cotisation 2015.

 

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Patriote, homme d'ƒtat.

*Jacques Parizeau 9 VIII 1930 - 1er VI 2015, et Jeanne d'Arc 1412 - 30 V 1431.

P•erre Demers.

Quelle relation entre Jeanne d'Arc et Jacques Parizeau?...

 

A la suite d'un long procs, elle est dŽclarŽe sorcire et hŽrŽtique par le tribunal ecclŽsiastique et condamnŽe ˆ mourir sur le bžcher, livrŽe au "bras sŽculier" en l'occurrence l'autoritŽ anglaise. L'Žvque Pierre Cauchon sera grassement payŽ pour ce procs. Il est ˆ noter qu'il avait dŽjˆ prŽsidŽ, en 1426 entre autres, plusieurs procs de foi avant celui de Jeanne. Le 3 septembre 1430 alors que Jeanne est prisonnire, deux femmes, dont  Pierronne la Bretonne, sont bržlŽes vives ˆ Paris pour avoir soutenu que la Pucelle Žtait bonne et venait bien de Dieu.

. Description : eanne-bucher.jpg .

Fig. 1. Jeanne d'Arc au bžcher, 30 mai 1431 ˆ Rouen, capitale du duchŽ de Normandie alors possession du royaume d'Angleterre. Le soldat allumeur dŽtourne le regard. Le moine garde silence. Le Saint-Sige rŽagira. RŽf. 1.

RŽfŽrence.

RŽf. 1. http://oise.catholique.fr/rubriques/droite/art-culture-et-foi/notre-histoire/temoins-dhier/pierre-cauchon/document_view

A la suite d'un long procs, elle est dŽclarŽe sorcire et hŽrŽtique par le tribunal ecclŽsiastique et condamnŽe ˆ mourir sur le bžcher, livrŽe au " bras sŽculier" en l'occurrence l'autoritŽ anglaise. Pierre Cauchon sera grassement payŽ pour ce procs.
Il est ˆ noter qu'il avait dŽjˆ prŽsidŽ, en 1426 entre autres, plusieurs procs de foi avant celui de Jeanne. Le 3 septembre 1430 alors que Jeanne est prisonnire, deux femmes, dont Pierronne la Bretonne, sont bržlŽes vives ˆ Paris pour avoir soutenu que la Pucelle Žtait bonne et venait bien de Dieu.

Jeanne d'Arc a remis un Franais ˆ la tte de la France.

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**Jacques Parizeau, des tŽmoignages.

Pauline Marois, JosŽe Legault, Maxime Laporte, Pierre Duchesne, Guy Breton.

 

Pauline Marois.

L'ancienne premire ministre du QuŽbec Pauline Marois a rŽagi par communiquŽ ce matin au dŽcs de Jacques Parizeau, se disant Çtrs touchŽeÈ et saluant Çla mŽmoire d'un grand b‰tisseurÈ. 1VI2015.

ÇUn des grands b‰tisseurs du QuŽbec moderne vient de nous quitter. Trs touchŽe, je garde de lui le souvenir d'un homme de conviction qui a consacrŽ sa vie ˆ la construction d'une nation quŽbŽcoise forte, une nation vraiment libre de ses choix et de son destin.

ÇMembre de la petite Žquipe de hauts fonctionnaires qui ont crŽŽ les grandes institutions du QuŽbec moderne, il a ŽtŽ au coeur de la rŽvolution tranquille. PrŽoccupŽ par la place des francophones dans l'Žconomie, il n'a jamais mŽnagŽ ses efforts pour former les jeunes et pour favoriser l'Žmergence d'une classe d'affaires capable de rayonner bien au-delˆ de nos frontires.

JosŽe Legault.

Chroniqueure politique, sur Twitter (@Josee_Legault): Jacques Parizeau: le dernier des premiers. Puissiez-vous reposer enfin en paix #RIP #Gratitude et "C'est donc qu'il existe de ces tres vŽritablement irremplaables. #Parizeau"

 

Le prŽsident de la SociŽtŽ Saint-Jean-Baptiste, Maxime Laporte.

Dans un communiquŽ: "Jacques Parizeau n'avait rien d'un homme politique ordinaire. Il Žtait un homme politique extraordinaire. Car, ses motivations Žtaient de nature extraordinaire. [...] Homme de principe, homme de conviction, homme de rŽflexion, homme d'ƒtat au sens vŽritable, cet Žconomiste visionnaire consacra toute sa vie ˆ l'avancement des intŽrts du peuple quŽŽcois et ˆ la rŽalisation de notre indŽpendance nationale."

 

Pour sa part, Pierre Duchesne, ancien dŽputŽ du Parti quŽbŽcois dans Borduas qui a signŽ une biographie de l'homme politique, a tweetŽ (@duchp) une photo d'archives de M. Parizeau.

 

Le Recteur de l'UniversitŽ de MontrŽal, Guy Breton. Jacques Parizeau comme professeur a signifiŽ la fin de cette idŽe des QuŽbŽcois nŽs pour un petit pain. JÕai rŽalisŽ ce jour dÕoctobre dernier, ˆ quel point Jacques Parizeau avait aimŽ tre professeur. Lui qui avait tout fait, tout vŽcu, tout donnŽ avait parlŽ la voix ŽtranglŽe par lÕŽmotion. Il mÕavait dit en coulisses que cÕŽtait lÕhommage le plus touchant quÕil avait reu. Je crois quÕau soir de sa vie, il espŽrait cette reconnaissance, recevoir un doctorat honoris causa de son universitŽ. Son combat politique, dÕautres le poursuivront, mais le professeur, cÕŽtait lui, lui seul. Et je crois quÕil voulait quÕon sÕen souvienne. Aprs la cŽrŽmonie, lors du souper que nous avons partagŽ, avec Mme Lapointe et ses proches, M. Parizeau mÕavait dit : Ç Monsieur, lÕŽconomie, cÕest le gros bon sens et les sciences Žconomiques, cÕest lÕart de compliquer le gros bon sens. ÈVoilˆ sa capacitŽ extraordinaire de faire cohabiter le gŽnie et la simplicitŽ. Il aura ŽtŽ professeur jusquÕˆ la fin. Monsieur Parizeau, au nom de tous, ceux qui croient en lÕimportance de lÕŽducation, je vous dis merci pour tout ce que vous nous avez appris. Reposez en paix, Monsieur Parizeau.   10VI2015

 

Description : Macintosh HD:Users:pierre1:Desktop:Capture dÕécran 2015-07-28 à 04.15.04.png 

Fig. 1. Jacques Parizeau dans un moment heureux.

RŽfŽrences.

RŽf. 1. tvanouvelles.ca/video/4270122332001/laquomerci-pour-tout-monsieur-parizeauraquo-entrevue-avec-gilles-duceppe/

ÇMerci pour tout, monsieur ParizeauÈ (entrevue avec Gilles Duceppe)06/02/15 @ 06:30. De nombreux citoyens et des personnalitŽs du monde politique et culturel ont rŽagi dans la nuit de lundi ˆ mardi ˆ...

RŽf. 2. . http://www.ledevoir.com/politique/quebec/442330/il-aura-ete-professeur-jusqu-a-la-fin Guy Breton, recteur de l'UdeM. Hommage ˆ Jacques Parizeau. ÇIl aura ŽtŽ professeur jusquÕˆ la finÈ10 juin 2015 | Guy Breton - Recteur de lÕUniversitŽ de MontrŽal       | QuŽbec

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Jacques Parizeau par lui-mme. Son voyage au bout de la nuit.

***Pour un QuŽbec souverain (1997)

Jacques Parizeau.

 

 

Texte article 3 Collection Ç Les sciences sociales contemporaines È.

Jacques Parizeau, POUR UN QUƒBEC SOUVERAIN (1997)
Introduction gŽnŽrale


Une Ždition Žlectronique rŽalisŽe ˆ partir du livre M. Jacques Parizeau, POUR UN QUƒBEC SOUVERAIN. MontrŽal: VLB ƒditeur, 1997, 355 pp. Collection: Partis pris actuels. [Autorisation formelle accordŽe par l'auteur de diffuser toutes ses publications accordŽe aux Classiques des sciences sociales le 18 septembre 2006.]

Introduction gŽnŽrale

En octobre 1967, je suis invitŽ ˆ prononcer une confŽrence ˆ Banff sur le sempiternel problme du fŽdŽralisme canadien. Je suis alors conseiller au bureau du premier ministre du QuŽbec. Je l'ai ŽtŽ auprs de jean Lesage, je le suis auprs de Daniel Johnson, le pre, et je le serai auprs de son successeur,  Jean-Jacques Bertrand. 

En 1967, je suis fŽdŽraliste ; je l'ai toujours ŽtŽ. D'abord parce que, sur le plan Žconomique et social, je suis de centre gauche. Comme bien des gens ˆ cette Žpoque, comme les libŽraux ˆ Ottawa et comme les libŽraux ˆ QuŽbec. Je n'ai cependant jamais fait de politique active. Depuis ma jeunesse, j'Žprouve une profonde rŽpugnance pour le duplessisme qui, pour moi, est le prolongement d'une forme de clŽricalisme Žtroit qui sŽvit au QuŽbec depuis le milieu du XIXe sicle, c'est-ˆ-dire depuis l'Žcrasement des RŽbellions de 1837-1838. Ce mŽlange d'idŽes primaires de droite, de nationalisme linguistique bornŽ, de favoritisme et de conformisme me tape sur les nerfs. 

De retour d'Angleterre, en 1955, ˆ la fin de mes Žtudes, je regarde, depuis mon poste de professeur ˆ l'ƒcole des Hautes ƒtudes Commerciales, vers Ottawa o une grande rŽforme sociale est en cours depuis plus de dix ans. Le gouvernement d'Ottawa a bien gŽrŽ l'Žconomie durant la Seconde Guerre mondiale. Il a commencŽ ˆ cette Žpoque ˆ mettre en place les filets de la sŽcuritŽ sociale qui avaient tellement fait dŽfaut durant la grande dŽpression des annŽes trente. L'assurance-ch™mage, les allocations familiales et le rŽgime universel des pensions de vieillesse, puis l'assurance-hospitalisation ne sont que les plus importantes de ces rŽformes. 

Une forme de pŽrŽquation est instaurŽe pour compenser les inŽgalitŽs de revenus entre les provinces. L'accs ˆ la propriŽtŽ individuelle est considŽrablement facilitŽ par la crŽation de la SociŽtŽ centrale d'hypothque et de logement. On rŽvise les lois contre les monopoles. On crŽe de toutes pices des outils financiers nouveaux. 

Bref, un pays se construit. C'est emballant, c'est excitant. Mais cela ne va pas sans inconvŽnient. En rŽalitŽ, le fait d'tre canadien plut™t qu'amŽricain comporte un cožt dont l'ŽlŽment le plus important est le tarif douanier canadien, qui est trs ŽlevŽ. L'Ukrainien de la Saskatchewan a de la difficultŽ ˆ comprendre pourquoi son voisin du Dakota, qui est pourtant arrivŽ en AmŽrique en mme temps que lui de leur Ukraine natale, paie moins cher que lui pour son auto et reoit plus que lui pour son blŽ. 

Mais le fait d'tre canadien reprŽsente alors quelque chose de tellement prŽcieux que l'on accepte volontiers le sacrifice. Et l'idŽe qu'un sacrifice est nŽcessaire pour tre indŽpendant des ƒtats-Unis est tellement ancrŽe dans les esprits que, quand on voudra, quarante ans plus tard, persuader les QuŽbŽcois qu'ils pourraient eux aussi aspirer ˆ construire leur pays, beaucoup resteront convaincus qu'ils devront en payer le prix, qu'ils devront accepter de faire des sacrifices, perus comme une sorte de punition. Pourtant, le contexte a compltement changŽ. Le libre-Žchange s'est Žtendu sur tout le continent, on sait que la sociŽtŽ quŽbŽcoise peut Žconomiser plusieurs milliards de dollars par an en Žliminant le chevauchement des services gouvernementaux. Jamais, ˆ vrai dire, il n'aurait ŽtŽ aussi avantageux que le QuŽbec soit indŽpendant du Canada. Mais, chez beaucoup de gens ‰gŽs, le vieux fond dogmatique est encore prŽsent : devenir indŽpendant, a se paye. 

Toujours est-il que Maurice Duplessis meurt, en 1959. Son successeur, Paul SauvŽ, a ˆ peine le temps de secouer la sociŽtŽ quŽbŽcoise avec ses discours qui commencent invariablement par le mme mot : Ç DŽsormais È, qu'il meurt ˆ son tour. Et les libŽraux arrivent au pouvoir en 1960. C'est le dŽbut de la RŽvolution tranquille. 

Je plonge avec enthousiasme dans ce qui se passe ˆ QuŽbec. Enfin ! La modernisation du QuŽbec sera une t‰che extraordinaire. Quel retard nous avons pris ! Quelque 54% des adultes quŽbŽcois francophones n'ont pas dŽpassŽ la sixime annŽe. L'ƒtat du QuŽbec ne dispose d'ˆ peu prs aucun instrument d'intervention. Presque tous les centres de dŽcisions Žconomiques sont aux mains d'intŽrts extŽrieurs ˆ la communautŽ francophone. Sous-scolarisŽs, le plus souvent unilingues, non seulement les francophones ont-ils dans l'ensemble des revenus nettement infŽrieurs ˆ ceux de la plupart des Anglo-QuŽbŽcois, mais les membres des autres communautŽs ethniques se dŽbrouillent mieux qu'eux. 

Le QuŽbec, cependant, recle des trŽsors d'imagination et de dynamisme ; il suffit d'aller les chercher : ˆ l'universitŽ et ˆ l'Žcole, dans la presse, dans les syndicats et, oui, dans une partie du clergŽ, chez les jŽsuites en particulier. 

Ainsi commence la premire grande aventure de la Ç respon­sabilisation È des QuŽbŽcois ˆ l'Žgard d'eux-mmes, dans un cadre intellectuel tout ˆ fait moderne, dans une grande na•vetŽ sans doute, mais avec enthousiasme et avec une foi capable de soulever les montagnes : la rŽforme de l'Žducation, les premires tentatives de planification ˆ la franaise, les grands instruments d'intervention Žconomique, l'instauration de mesures de sŽcuritŽ sociale, toujours en gardant l'oeil fixŽ sur le taux de ch™mage, ˆ une Žpoque o l'expression Ç plein emploi È ne faisait pas rire. Ç Qui s'instruit s'enrichit È, lisait-on sur des panneaux publicitaires le long des routes. 

Pour moi comme pour d'autres, l'arrivŽe au pouvoir de Daniel Johnson, en 1966, lui, le successeur de Maurice Duplessis, constitue une vŽritable catastrophe. La droite est de retour. Mais au bout d'un mois, on constate que non. Le mouvement amorcŽ est trop puissant. Il se poursuivra. 

Mais me voici en octobre 1967. Je m'en vais prononcer une confŽrence ˆ Banff. J'ai eu tellement de travail dans les semaines qui ont prŽcŽdŽ que je n'ai pas eu le temps d'Žcrire mon texte ni mme d'y penser. Je prends donc le train pour l'Ouest en me disant que, au cours des trois jours que dure le trajet, j'aurai la paix et tout le temps nŽcessaire pour me prŽparer. 

Je suis montŽ dans le train. Je me souviens... avec comme arrire-plan les interminables forts du nord de l'Ontario. DŽfilent alors dans ma tte tous les projets menŽs ˆ bien durant la RŽvolution tranquille : l'apparition de l'ƒtat du QuŽbec, les phases de son expansion, les assauts livrŽs contre Ottawa pour faire reculer ce gouvernement central qui, ˆ la faveur de la Seconde Guerre mondiale, s'est emparŽ de tous les vrais pouvoirs et de presque toute la fiscalitŽ, l'Žtablissement de rapports directs avec l'Žtranger, et, gr‰ce au gŽnŽral de Gaulle, particulirement avec les pays de la francophonie. 

Quelques mois avant ce voyage vers Banff, j'avais prŽsentŽ au Quai d'Orsay, ˆ Paris, au nom du gouvernement du QuŽbec, un projet de participation au lancement des satellites de communication franco-allemands appelŽs Symphonie. Ils seraient lancŽs ˆ partir de fusŽes russes (en attendant que la fusŽe franaise Ariane soit prte). Ë ce moment, le Canada nŽgociait sa participation au lancement de satellites, principalement avec les ƒtats-Unis, mais aussi avec la Grande-Bretagne et le Japon. 

J'Žtais assez fier de moi. En mme temps, j'Žtais mal ˆ l'aise. Les QuŽbŽcois allaient-ils vraiment se payer deux systmes de communication par satellite [1] ? Le QuŽbec possde sans doute alors le dynamisme et les ressources financires pour s'engager dans des voies nouvelles, crŽatives, stimulantes. Il reste que nous sommes, tout fŽdŽralistes que nous soyons, en train de miner la capacitŽ d'Ottawa d'tre un gouvernement vŽritable. 

Une des faons de maintenir une certaine cohŽsion dans les politiques gouvernementales des fŽdŽrations consiste ˆ recourir aux plans conjoints. Le gouvernement central accepte de supporter, disons, 50% des frais de la construction d'une autoroute ˆ condition que les ƒtats ou les provinces qui composent le pays acceptent le plan routier dŽfini par le gouvernement central et des normes minimales de construction. Il y a Žvidemment, dans le pays en question, des ƒtats ou provinces plus riches que d'autres. La pŽrŽquation sert au gouvernement central ˆ rŽŽquilibrer les cožts en fonction de la richesse respective des ƒtats ou provinces. Pour reprendre mon exemple d'autoroute, le gouvernement central peut dŽcider que sa contribution sera plus faible pour les ƒtats dits riches et plus ŽlevŽe pour les ƒtats dits pauvres. 

Sans doute, les ƒtats ou provinces ont-ils leur propre mode de taxation, mais il faut trouver le moyen de coordonner l'usage qu'ils font de l'argent peru. Si le gouvernement central baisse le taux d'imposition pour favoriser la relance de l'Žconomie, il ne faut pas que l'autre palier de gouvernement en profite pour augmenter le sien. 

Dans certaines fŽdŽrations, seul le gouvernement central peut tre en dŽficit en ce qui concerne les opŽrations courantes. Les gouvernements des provinces ne peuvent emprunter que pour les immobilisations. Il arrive aussi que seul l'ƒtat central peut emprunter ˆ l'Žtranger. On cherche un peu partout ˆ coordonner les grands investissements publics, pour Žviter que, en pŽriode d'inflation, tout le monde investisse en mme temps. 

Au Canada, sous les assauts rŽpŽtŽs du QuŽbec, ˆ peu prs tous les mŽcanismes de coordination ont sautŽ. jean Lesage a retirŽ le QuŽbec de 29 programmes conjoints d'un seul coup contre pleine compensation fiscale et financire. La pŽrŽquation est gŽnŽreuse et inconditionnelle. Chaque province, dans le champ des imp™ts directs, taxe maintenant comme elle veut. Chacune emprunte ˆ son grŽ. Les grands investisseurs (les sociŽtŽs hydroŽlectriques et de transport, par exemple) ne se parlent jamais. 

Tout cela va finir mal. Je n'ai pas encore compris, alors, ˆ quel point un tel dŽsordre est susceptible d'entra”ner un gaspillage ŽhontŽ de fonds publics, au fur et ˆ mesure que la surenchre des deux paliers de gouvernement auprs du mme Žlectorat amne un dŽdoublement insensŽ des programmes et des services et, donc, un accroissement des dŽpenses. 

Je n'ai pas non plus prŽvu le fait que le gouvernement fŽdŽral se raidira si rapidement aprs l'Žlection de Pierre Trudeau comme premier ministre. Mais je sens bien que, t™t ou tard, chacun des deux gouvernements des QuŽbŽcois va tre en mesure de gner sinon d'empcher le travail de l'autre. 

Un peuple, une nation, un pays doit avoir un gouvernement, un vrai. Et dans une fŽdŽration, il faut que le gouvernement central puisse dŽfinir des orientations, des politiques, en fonction d'objectifs prŽcis, et qu'il s'assure qu'il a les moyens de mettre en oeuvre ses politiques. Dans toutes les fŽdŽrations, on a compris cela. 

Dressant alors la liste des pouvoirs que le QuŽbec devrait accepter de remettre ˆ Ottawa pour lui permettre de lutter efficacement contre le ch™mage, contre la pauvretŽ, contre l'inflation, je me dis que jamais on ne trouvera de parti politique au QuŽbec qui consentira ˆ cela. Et l'on continuera ˆ dŽnoncer Ottawa, ˆ l'attaquer, ˆ se plaindre. 

Si donc, pour les QuŽbŽcois, il est impensable que leur vrai gouvernement soit ˆ Ottawa, alors qu'il soit ˆ QuŽbec ! 

Les premiers paragraphes de ma confŽrence ˆ Banff reflŽtaient encore un point de vue fŽdŽraliste. La longue analyse technique que je rŽdige en traversant les Prairies me sort du carcan intellectuel qui a ŽtŽ le mien pendant tant d'annŽes. En arrivant dans les Rocheuses, la conclusion tombe, inŽluctable : au fond, le QuŽbec deviendra peut-tre un pays indŽpendant. 

Je suis devenu souverainiste pour faire en sorte qu'un vrai gouvernement s'installe dans un vrai pays, un pays o les gens sont responsables d'eux-mmes et o les dirigeants ne peuvent se dŽcharger les uns sur les autres de leurs responsabilitŽs. 

Je suis devenu souverainiste parce que j'ai vu que la souverainetŽ du QuŽbec constituait l'une des deux avenues disponibles, mais la seule possible pour assurer la croissance de l'emploi et de l'Žconomie, l'ŽgalitŽ des chances des citoyens, un bon filet de sŽcuritŽ sociale protŽgeant vrai, ment contre les alŽas de la vie, sans que ces protections fassent toutefois l'objet d'une surenchre ruineuse entre deux gouvernements qui courtisent le mme Žlectorat. 

La souverainetŽ ne rend pas automatiquement intelligent. Mais elle ne rend pas automatiquement imbŽcile non plus. Dans un pays industrialisŽ, moderne, le cožt de la souverainetŽ, c'est le cožt des mauvaises politiques que l'on adopte et que l'on applique. Si les politiques sont bien adaptŽes aux besoins, la souverainetŽ libre ; elle permet ˆ l'Žconomie d'avancer et ˆ la croissance de se manifester, car les entraves sont moins nombreuses. 

Et la langue ? Et la culture ? Pour bien des gens, c'est de la langue et de la culture franaises qu'est issue la longue marche du peuple quŽbŽcois vers son pays. Il m'a fallu beaucoup de temps avant de pouvoir communier ˆ cette ferveur. Sous un certain angle intellectuel, je comprenais bien l'importance cruciale de la langue et de la culture franaises, lˆ n'est pas la question. Mais ayant fait presque toutes mes Žtudes dans des institutions franaises ou britanniques, Žtant bilingue et n'ayant aucune espce de Ç complexe È linguistique, j'ai eu autant de rŽticences ˆ m'insŽrer dans la mouvance quŽbŽcoise que bien des immigrŽs francophones pouvaient en avoir dans les annŽes cinquante et soixante. 

On peut comprendre que, par sa pauvretŽ, une population puisse ˆ la longue en venir ˆ accepter d'tre dirigŽe dans une autre langue que la sienne. On peut comprendre que la minoritŽ qui possde l'argent et en ma”trise le mouvement puisse obtenir toutes les garanties constitutionnelles pour prŽserver ses droits linguistiques. Je n'ai cependant jamais admis que l'on fasse du institutionnel un idŽal, un objectif moral, une sorte de vertu civique. On sait ˆ quoi, en Belgique, a abouti une tentative de ce genre : une division claire du pays entre les deux communautŽs culturelles et linguistiques. Et en Suisse, trouve-t-on des Žcoles publiques allemandes dans le canton de Genve ou des Žcoles publiques franaises dans le canton de Zurich ? Non ! 

Mieux encore, pour prŽserver le droit d'affichage en anglais au QuŽbec, on a ŽtŽ jusqu'ˆ invoquer l'argument de la libertŽ d'expression tirŽ des chartes des droits. Quelle libertŽ d'expression ? Celle des entreprises ? Celle des sociŽtŽs commerciales ? Pourquoi pas la libertŽ de religion ou de conscience des entreprises ? Ces libertŽs fondamentales appartiennent, dans le monde normal, ˆ l'individu, ˆ l'homme ou ˆ la femme, pas aux entreprises qui, contrairement aux personnes, sont des crŽatures de l'ƒtat. 

Que le poids de l'histoire, les contraintes de la politique ou la paix des ‰mes nous amnent ˆ accepter des situations qui ne sont ni habituelles ni normales, soit ! Mais le peuple quŽbŽcois, qui est un peuple francophone, doit d'abord protŽger sa langue et faire s'Žpanouir sa culture, qui ne sont ni la langue anglaise ni la culture canadienne. Celles-ci, d'autres s'en occupent. 

C'est pour cela que la Charte de la langue franaise, dite loi 101, adoptŽe en 1977, a ŽtŽ pour moi comme un vŽritable courant d'air frais. La popularitŽ mme de la loi faisait plaisir ˆ voir. Comme si, enfin, une voie praticable apparaissait dans le g‰chis linguistique. 

Or, fait toujours partie du g‰chis cette rŽsistance d'un grand nombre de QuŽbŽcois ˆ reconna”tre que, si le bilinguisme institutionnel est une aberration, le bilinguisme individuel est, par contre, nŽcessaire quand on est ˆ ce point isolŽ en AmŽrique du Nord. Et les enfants apprennent d'autant plus facilement l'anglais et le parlent d'autant mieux qu'ils l'ont appris jeunes. On peut en dire autant d'une troisime langue, que l'Žlve peut choisir dans une liste des langues les plus parlŽes. 

Lˆ encore il y a maldonne. Le multiculturalisme est une aberration, au mme titre que le bilinguisme institutionnel et constitutionnel, mais tre multilingue pour quelqu'un qui appartient ˆ un petit peuple comme le n™tre s'avre utile, voire nŽcessaire, dans le monde de demain

Fait aussi partie du g‰chis linguistique la vague de glorification du joual qui a dŽferlŽ pendant un certain temps chez beaucoup d'intellectuels quŽbŽcois. Quel dŽg‰t cela a causŽ ! La pire des choses qui pouvaient nous arriver se produisit : l'apologie du ghetto linguistique. La tentation du patois est d'ailleurs d'autant plus vive que la disparition de l'histoire comme matire obligatoire ˆ l'Žcole a coupŽ les Žlves des points de rŽfŽrence ˆ la civilisation occidentale ˆ laquelle ils appartiennent. (Ç Monsieur, qu'est-ce que a veut dire, avant JŽsus-Christ ? È) 

On l'aura compris, pour moi, contrairement ˆ bien d'autres, la langue et la culture ne sont pas les ŽlŽments principaux qui ont inspirŽ mon dŽsir d'indŽpendance pour le QuŽbec. J'en comprends cependant toute l'importance. Je sais que, sans la langue et la culture, les chances de parvenir ˆ la souverainetŽ seraient plus faibles. Je sais que ce sont les francophones qui vont faire la souverainetŽ ! 

Cela Žtant dit, pour moi, la langue, c'est le rocher de Sisyphe, et l'Žpanouissement de la culture quŽbŽcoise est conditionnŽ par sa capacitŽ de se tailler une place en dehors des frontires du QuŽbec. Il est sans doute trs rassurant pour les QuŽbŽcois de savoir que 47 de leurs 50 Žmissions franaises de tŽlŽvision les plus populaires sont produites au QuŽbec, et trs bouleversant pour les Canadiens anglais de savoir que 47 de leurs 50 Žmissions les plus populaires sont produites aux ƒtats-Unis. Mais c'est dans le monde entier que la culture quŽbŽcoise va manifester sa vitalitŽ intrinsque. Rien ne doit tre mŽnagŽ en ce sens. 

Pas plus que l'on ne doit mŽnager les efforts pour avancer rapidement sur l'autoroute de l'information. Voilˆ un nouveau langage o le QuŽbŽcois se sent ˆ l'aise, o, sur le plan technologique, il participe pleinement ˆ la mouvance des choses et donne libre cours ˆ sa crŽativitŽ. Sans doute, ce nouveau langage ne semble pas encore nŽcessaire aux gens qui ont dŽpassŽ la quarantaine. Il n'empche qu'il est intŽressant, commode, utile, trs utile mme, intellectuellement et culturellement valorisant. Les jeunes, eux, vont vivre dans un monde o ce nouveau langage sera nŽcessaire, o sa ma”trise conditionnera pour une part le succs. En fait, pour les enfants d'aujourd'hui, l'accs ˆ l'autoroute de l'information fait partie de l'ŽgalitŽ des chances.

 

On le voit, je suis un souverainiste assez peu conformiste et, initialement, tout au moins, assez peu Žmotionnel. Ce n'est que petit ˆ petit que j'ai appris ˆ aimer le QuŽbec pour ce qu'il est. Au fond, j'ai choisi un gouvernement avant de choisir un pays. 

Cela dŽteint sur toute mon activitŽ politique et sur tous les discours que j'ai eu ˆ prononcer pendant ma carrire politique. La politique doit servir ˆ accomplir quelque chose, ˆ rŽaliser un projet. Autrement, c'est une perte de temps. On a mieux ˆ faire dans la vie. 

Revenons ˆ la confŽrence de Banff. Une fois passŽ le scandale que mon discours provoque, le calme revient. Je ne peux prolonger mon intervention dans le monde de la politique. Je prŽside ˆ cette Žpoque une commission d'Žtude sur les institutions financires, je continue, au bureau du premier ministre, ˆ m'occuper de la politique salariale dans le secteur public, j'assiste, dans le conflit opposant le fŽdŽral et le provincial, ˆ la fin des charges de cavalerie et au commencement de la guerre des tranchŽes. 

En septembre 1969, je remets au gouvernement du QuŽbec le rapport de la Commission d'Žtude sur les institutions financires et, le mois suivant, j'entre au Parti quŽbŽcois. Quelques semaines plus tard, je suis Žlu prŽsident du comitŽ exŽcutif national du parti. J'ai plongŽ ! Le Parti quŽbŽcois est tout jeune. On se cherche, on brasse des idŽes, on refait le monde. Mais d'abord et avant tout, on cherche un scŽnario qui permette d'accŽder ˆ la souverainetŽ. 

Le scŽnario a dŽbutŽ avec la publication du livre Option QuŽbec de RenŽ LŽvesque en 1968. C'est l'acte de naissance du Mouvement souverainetŽ-association (MSA) que RenŽ LŽvesque crŽe aprs sa sortie fracassante du Parti libŽral. C'est un point de dŽpart, Option QuŽbec, mais c'est aussi un point d'aboutissement. 

C'est le point de dŽpart du premier mouvement souverainiste quŽbŽcois capable de prendre le pouvoir et, donc, de rŽaliser la souverainetŽ du QuŽbec. Et c'est le point d'aboutissement de la RŽvolution tranquille. Tous les QuŽbŽcois qui ont collaborŽ ˆ une rŽvolution complte du systme d'Žducation, qui ont crŽŽ ce qui deviendra une sŽrie d'instruments de dŽcisions Žconomiques de premier ordre, qui ont compltement transformŽ le systme de santŽ et de services sociaux, qui ont mis en place la diplomatie quŽbŽcoise ˆ l'Žtranger, et qui ont accompli tout cela en gagnant ˆ peu prs toutes les batailles contre le gouvernement fŽdŽral, en lui faisant rendre gorge d'une partie de ce qu'il avait enlevŽ au QuŽbec ˆ l'occasion de la Seconde Guerre mondiale, ces QuŽbŽcois, dis-je, sont assez fiers des rŽsultats obtenus, comprennent qu'ils peu, vent faire encore de grandes choses, ˆ condition que le carcan politique et constitutionnel se rel‰che. Tout fŽdŽralistes qu'ils soient, ils sont aussi latins, cartŽsiens, raisonneurs. Ils ne se contentent pas d'agir par ˆ-coups. 

Le QuŽbec, comme la RŽvolution tranquille l'a bien montrŽ, n'est pas une province comme les autres. Il lui faut un statut particulier, c'est-ˆ-dire des pouvoirs de nature juridique, de nature constitutionnelle mme, qui lui soient propres. Des deux peuples fondateurs, celui qui s'Žtait endormi s'est enfin rŽveillŽ : il rŽclame la reconnaissance de son statut politique. C'est insuffisant, diront certains, regroupŽs autour du ministre de l'ƒducation de l'Žpoque, Paul GŽrin, Lajoie, l'un des deux grands artisans de la rŽforme de l'Žducation (lÕautre Žtant Arthur Tremblay) ; ce qu'il faut vraiment, ce n'est pas un statut particulier pour le QuŽbec, ce sont deux ƒtats associŽs, l'un Žtant constituŽ du QuŽbec, l'autre, du reste du Canada. 

Tandis que les libŽraux cherchent encore des formes d'autonomie ˆ l'intŽrieur du cadre fŽdŽral, de nouvelles formations politiques commencent ˆ aborder de front la question de l'indŽpendance du QuŽbec. Aux Žlections de 1966, cette question sera le fondement mme des programmes du Rassemblement pour l'indŽpendance nationale (RIN) de Pierre Bourgault et du Ralliement national (RN) de Gilles GrŽgoire. Ils ne remporteront pas beaucoup de votes, mais l'idŽe est maintenant lancŽe et le slogan de Pierre Bourgault, Ç On est capable È, qui exprime alors un voeu plus qu'une constatation, ne sera jamais plus oubliŽ. 

L'Žlection de 1966 porte au pouvoir lÕUnion nationale qui, sous la direction de Daniel Johnson, le pre, propose une idŽe gŽniale parce qu'elle correspond tellement bien ˆ ce que tant de gens souhaiteraient : Ç ƒgalitŽ ou indŽpendance È. 

Au bout de quelques mois, on se rendra bien compte que ce ne sera ni l'une ni l'autre. On verra, un peu plus loin, ˆ quelle pression le gouvernement Johnson fut soumis. On ne peut lui tenir rigueur de ne pas avoir atteint son but. Il n'avait pas les moyens de son objectif. L'idŽe, cependant, selon laquelle Ç on obtient ce qu'il faut du fŽdŽral ou on sort È va demeurer jusqu'ˆ nos jours la bonne faon d'attendre Godot. Ou, pour parler comme Marius : Ç Retenez-moi ou je fais un malheur. È 

En tout cas, le dŽpart constitutionnel du nouveau gouvernement est foudroyant. Daniel Johnson, ˆ peine installŽ dans son fauteuil de premier ministre, passe la commande aux conseillers qu'il a gardŽs de l'Žpoque de Lesage de justifier la demande du QuŽbec ˆ Ottawa de rŽcupŽrer la totalitŽ des trois grands imp™ts dits directs : l'imp™t sur le revenu, l'imp™t sur les profits des sociŽtŽs et l'imp™t sur les successions. 

L'exercice de justification, merveilleusement rŽussi sur le plan stylistique, n'est pas convaincant. Il faudrait que des champs entiers de dŽpenses, jusque-lˆ ˆ la charge du gouvernement fŽdŽral, passent sous la compŽtence du QuŽbec : ce n'est pas seulement un statut particulier, mais un statut trs particulier. C'est en fait un statut inimaginable. 

Les trois colombes - Jean Marchand, GŽrard Pelletier et Pierre Trudeau - viennent de se percher ˆ Ottawa pour sauver le Canada du nationalisme quŽbŽcois. 

Ë la premire confŽrence fŽdŽrale-provinciale des premiers ministres, Pierre Trudeau, alors ministre de la justice, clarifie une fois pour toutes la question du statut particulier : il ne peut y avoir au parlement d'Ottawa des dŽputŽs Žlus au QuŽbec qui votent des lois et des imp™ts applicables ˆ tous les Canadiens, sauf aux QuŽbŽcois. Quant ˆ maintenir dans le mme Parlement deux catŽgories de dŽputŽs, les uns, selon leur origine, n'ayant droit de vote que pour certaines lois ou certains imp™ts, les autres votant toutes les lois et tous les imp™ts, ce serait une perversion du systme parlementaire. 

En somme, on est dans le systme ou on est en dehors du systme. Ou encore, on est canadien ou on est quŽbŽcois. C'est la logique mme. 

Daniel Johnson cherchera pendant un moment une consolation dans les relations interprovinciales. Les libŽraux du QuŽbec, quant ˆ eux, ne sauront plus ˆ quel saint se vouer, du moins jusqu'ˆ ce que Robert Bourassa trouve enfin la pierre philosophale : le QuŽbec serait reconnu comme sociŽtŽ distincte par le Canada, mais cette reconnaissance n'aurait pas de consŽquences juridiques. 

RenŽ LŽvesque, qui a ŽtŽ le ministre le plus populaire du cabinet de jean Lesage, va tirer ˆ peu prs la mme leon que Pierre Trudeau des vellŽitŽs autonomistes quŽbŽcoises. Mais sa conclusion sera ˆ l'inverse. Alors que Trudeau veut que le QuŽbec demeure une province ayant le mme statut que les autres, LŽvesque conclut que les particularitŽs qui rendent le QuŽbec si diffŽrent du reste du Canada ne peuvent plus tre respectŽes, mme par le statut d'ƒtat associŽ. L'aboutissement normal serait la souverainetŽ. 

La dŽfinition du concept de souverainetŽ qui sera donnŽe dans Option QuŽbec mne tout droit ˆ celle, plus explicite, que le Parti quŽbŽcois fera graduellement accepter. Le peuple quŽbŽcois doit avoir le droit de voter les lois qui s'appliquent ˆ lui. Il doit avoir le droit de voter les imp™ts que les contribuables auront ˆ payer. Et les traitŽs qui lient le QuŽbec aux autres pays doivent tre approuvŽs par son gouvernement ou son Parlement. 

Il est curieux que, depuis un quart de sicle que cette dŽfinition existe, il ait fallu tant de temps pour qu'elle soit comprise. Pas seulement dans les milieux o l'on ne s'intŽresse pas particulirement ˆ la politique, mais par des gens qui devraient, comme on le dit joliment en anglais, savoir mieux. 

Une partie de l'explication rŽside dans la rŽsonance des mots. La souverainetŽ, c'est l'indŽpendance, et l'indŽpendance, c'est la sŽparation d'avec le Canada. 

Subjectivement, c'est une autre histoire. Le mot Ç souverainetŽ È fait moins peur que le mot Ç indŽpendance È, et le mot Ç sŽparation È fait trembler. En mme temps que l'on rve d'tre un jour responsable de soi-mme, on veut maintenir un lien, un rapport privilŽgiŽ avec le Canada. En ce sens, psychologiquement, il y a trente ans, il fallait une Ç souverainetŽ-association È de la mme manire que de nos jours on cherche une Ç souverainetŽ-partenariat È. 

Et il ne faut surtout pas croire que cette recherche de la deuxime face de Janus ne touche qu'un public fragile et par dŽfinition craintif. Bien au contraire ! Beaucoup de dirigeants connaissent des accs d'inquiŽtude, un manque d'assurance que le public peroit pŽriodiquement. Il ne se trompe pas. 

La propagande joue un r™le important dans la persistance de ce climat d'anxiŽtŽ. Elle dŽcoule de la mainmise sur les mŽdias d'un petit nombre de personnes et du gouvernement fŽdŽral. Quand la plupart de ces Ç dŽcideurs È ont le mme point de vue sur une question politique fondamentale, la propagande envahit tout. Et on ne peut rien y faire. C'est comme la pluie ou la grle, on attend que a se calme. 

Il n'est pas nŽcessaire de remonter bien loin dans le temps pour trouver des exemples de dŽsinformation. En voici un tout rŽcent : la sŽparation de la Slovaquie de la RŽpublique tchque en 1992. Elle a posŽ un sŽrieux problme aux fŽdŽralistes canadiens. 

Voilˆ un pays qui devient indŽpendant sur un simple vote de son Parlement, avec l'accord des Tchques qui sont excŽdŽs. Le partage de l'actif et des dettes se fait rapidement. Il n'y a pas de violence. Ç Enfin chez nous È, disent les Slovaques. Ç Bon dŽbarras È, disent les Tchques. 

Quelques mois avant notre rŽfŽrendum de 1995, la Slovaquie devient tout ˆ coup l'objet d'une curiositŽ vorace de la part des plus grands noms des mŽdias canadiens et quŽbŽcois. Le Globe and Mail publie en page Žditoriale quelques mises en garde bien senties. Radio-Canada envoie, pour l'Žmission Le Point, un de ses animateurs faire une enqute sur place. Pendant quelque temps, les commentateurs de nos mŽdias manifesteront ˆ l'Žgard de la Slovaquie une belle unanimitŽ. N'est-ce pas que l'Žconomie slovaque est plus petite que l'Žconomie tchque, donc plus fragile, que le ch™mage est plus ŽlevŽ en Slovaquie, que l'union monŽtaire chre aux Slovaques s'est effondrŽe, que le marchŽ tchque va se fermer aux produits slovaques [2] ? Tout a pour dire aux QuŽbŽcois. MŽfiez-vous, regardez vers quel gouffre on veut vous entra”ner. 

Par la suite, la Slovaquie dispara”t de nos mŽdias comme par enchantement. Sa vie utile pour la cause fŽdŽraliste est terminŽe. Quelques mois plus tard, je reois une longue analyse effectuŽe par le service de recherche du Morgan Guaranty Trust, publiŽe ˆ Londres et intitulŽe Slovakia : Is Rapid Growth Sustainable ?, c'est-ˆ-dire : Ç La Slovaquie : la croissance rapide peut-elle tre maintenue ? È Un des sous-titres se lit comme suit : Slovak Economy Continues to Impress (Ç La performance Žconomique slovaque continue d'impressionner È). 

Je comprends que l'on soit impressionnŽ ! En 1995, le taux de croissance de la Slovaquie, en termes rŽels, a ŽtŽ de 7%, un des plus ŽlevŽs, sinon le plus ŽlevŽ de tous les pays d'Europe. DŽjˆ en 1994, le taux de croissance avait ŽtŽ de 6%. Les exportations et la consommation intŽrieure sont trs vigoureuses et la Slovaquie vend plus de produits ˆ la RŽpublique tchque qu'elle ne lui en achte. 

En somme, tout ce qu'on nous a laissŽ entendre est faux. Mais cela, aprs tout, n'a pas d'importance... Ce qui compte, essentiellement, c'est que le NON l'emporte au rŽfŽrendum de 1995... 

L'histoire des trente dernires annŽes est jalonnŽe d'opŽrations de propagande du mme genre. J'en donnerai plus loin deux autres exemples, anciens ceux-lˆ, qui ont trait aux fuites de capitaux, bon vieux thme de propagande absolument inusable. 

Heureusement, tout n'est pas qu'affaire de psychologie et de propagande. Les faits sont lˆ : les risques doivent tre calculŽs. Un politicien responsable ne peut se contenter de brasser des images et des slogans. C'est dans ce contexte-lˆ que s'est manifestŽ le gŽnie intuitif de RenŽ LŽvesque et qu'est apparu le concept de Ç souverainetŽ-association È. 

En 1967, la souverainetŽ-association n'Žtait pas seulement utile pour rassurer les QuŽbŽcois frileux. Elle rŽpondait ˆ une lecture rŽaliste de la situation. En fait, elle correspondait ˆ une nŽcessitŽ absolue. Et mme si, plus tard, en 1980, elle deviendra un vŽritable pige, rŽtrospectivement, je ne vois pas comment nous aurions pu l'Žviter. 

C'est ˆ la dŽmonstration de cette nŽcessitŽ que les prochaines pages sont consacrŽes. On comprendra mieux l'Žmergence et le sens du nouveau concept de Ç partenariat È. Est-ce la mme chose ? Les contraintes, les obstacles ˆ la souverainetŽ seraient-ils aujourd'hui ce qu'ils Žtaient hier ? 

Au-delˆ des mots, des procs d'intention, des dŽnonciations dogmatiques et des symboles rassurants ou emballants, il faut regarder les faits, les faits ttus. 

En 1967, un QuŽbec qui veut devenir indŽpendant peut avoir ˆ surmonter des obstacles redoutables. Le plus important de ces obstacles est de nature commerciale. 

En effet, les droits de douane sont encore trs ŽlevŽs dans le monde occidental. Bien sžr, les rŽunions successives du GATT ont contribuŽ, depuis 1947, ˆ abaisser les barrires douanires. Mais les tarifs restent ŽlevŽs. De plus, les quotas et les embargos sont des choses courantes. Cela est vrai autant du Canada que des ƒtats-Unis. Pour le QuŽbec, le marchŽ canadien est bien plus important que le marchŽ amŽricain, qui n'est vraiment trs ouvert que pour les matires premires. Le traitŽ de libre-Žchange relatif ˆ l'automobile vient alors ˆ peine d'tre signŽ. 

Si un Canada hostile avait dŽcidŽ de traiter les produits d'un QuŽbec souverain comme il traite ceux des pays Žtrangers, nous aurions ŽtŽ coincŽs entre les murailles tarifaires et les quotas de nos deux principaux marchŽs. On allait au casse-pipe. 

Trente ans plus tard, on ne se rend plus compte du degrŽ de sauvagerie qui rŽgnait encore dans les rapports commerciaux. Que l'on en juge par cet Žpisode qui est contemporain de l'apparition de l'idŽe de la souverainetŽ-association. 

En 1961, ˆ la suite des recommandations de la commission d'enqute Borden, le gouvernement fŽdŽral dŽcide de rŽserver le marchŽ de l'Ontario au pŽtrole de l'Alberta pour y encourager l'expansion de la production. MontrŽal est ˆ cette Žpoque le plus grand centre de raffinage au Canada et une industrie pŽtrochimique considŽrable s'y est dŽveloppŽe. Pendant plusieurs annŽes, le partage du marchŽ se fera ˆ l'amiable entre les grandes compagnies et les gouvernements. Les raffineries prendront de l'expansion en Ontario, fermeront au QuŽbec, l'industrie pŽtrochimique filera vers Sarnia et Edmonton, en dŽpit des protestations des QuŽbŽcois qui n'y peuvent rien. 

Quand, cependant, des compagnies indŽpendantes refuseront la discipline du cartel et se mettront ˆ vendre des produits pŽtroliers de MontrŽal ˆ l'Ontario, l'Office national de l'Žnergie ordonnera l'arrt de ces transferts, la ligne Borden (le long de la rivire des Outaouais) deviendra Žtanche et la police patrouillera les routes pour empcher les wagons-citernes de circuler ! Ë l'intŽrieur d'un mme pays ! 

Face ˆ un tel geste, peut-on reprocher ˆ ceux qui cherchaient ˆ faire du QuŽbec un pays souverain d'avoir tellement voulu d'un contrat d'association Žconomique avec le Canada ? Peut-on leur reprocher d'avoir accordŽ une telle importance au trait d'union placŽ entre les mots Ç souverainetŽ È et Ç association È, tant et si bien que l'on a fini par croire que, sans association, aucune souverainetŽ n'est possible ? 

Le manque d'assurance des souverainistes ˆ la fin des annŽes soixante est d'autant plus comprŽhensible que les institutions Žconomiques et financires dont le QuŽbec s'est dotŽ, et qui doivent Žventuellement lui fournir des leviers et une protection efficaces, n'ont pas ŽtŽ vraiment ŽprouvŽes. 

La relative facilitŽ avec laquelle avaient ŽtŽ renversŽs tous les obstacles dressŽs contre la nationalisation des compagnies privŽes d'ŽlectricitŽ en 1962 ne doit pas faire illusion. Ë quel point la construction Žtait fragile, on le vit bien, peu aprs l'arrivŽe au pouvoir de Daniel Johnson. La Caisse de dŽp™t et placement du QuŽbec venait tout juste d'tre crŽŽe et on n'avait pas encore appris ˆ s'en servir. 

Pour bien marquer le danger du flirt du premier ministre Johnson avec l'indŽpendance, une fuite de capitaux est organisŽe en 1967. De la prŽsidence de la Bourse de MontrŽal aux conseillers des grandes banques, en passant par les analystes financiers des quotidiens et des autres mŽdias, tous affirment que les capitaux fuient le QuŽbec. Daniel Johnson est ˆ ce moment en convalescence ˆ Hawaii. Il y reoit la visite de Marcel Faribault, alors prŽsident du Trust gŽnŽral du Canada, de Marc Carrire et de Paul Desmarais qui vient d'acheter La Presse. Les trois visiteurs assurent que la fuite des capitaux cessera si le premier ministre signe la dŽclaration qu'ils lui ont apportŽe et par laquelle il s'engage ˆ renoncer ˆ l'indŽpendance, ˆ ses pompes et ˆ ses oeuvres. 

Daniel Johnson appelle Paul Dozois, son ministre des Finances, qui ne peut que lui confirmer que tout le monde lui souligne l'extrme gravitŽ de la situation. Daniel Johnson signe. La dŽclaration est publiŽe en premire page de La Presse. La prŽtendue crise se termine quelque temps aprs. 

Du bureau du premier ministre o je travaille, je demande ˆ la Caisse de dŽp™t de me faire un relevŽ quotidien des transactions et des prix sur le marchŽ des obligations du QuŽbec. Les titres les plus exposŽs en pŽriode de fuite des capitaux sont les obligations Žmises par le gouvernement du QuŽbec et par Hydro-QuŽbec. C'est de ces obligations-lˆ que l'investisseur nerveux veut se dŽbarrasser : ce sont celles qui comportent le plus de risques. 

Les rŽsultats de mon enqute sont Žloquents : pendant toute cette prŽtendue crise, le marchŽ est en fait fort calme, aucun mouvement de panique n'a touchŽ les titres quŽbŽcois. On s'est fait rouler. Il n'a mme pas ŽtŽ nŽcessaire de dŽplacer des capitaux. La seule peur diffusŽe par les mŽdias a suffi. 

Combien Žtions-nous ˆ tre au courant ? Une dizaine, pas plus. Pour l'ensemble du QuŽbec, un premier ministre avait ŽtŽ Žlu, dont le mandat Žtait de rŽaliser l'ŽgalitŽ ou l'indŽpendance. Or il faisait peur aux investisseurs, il mettait selon eux les emplois en pŽril. Mais heureusement, les Ç grands hommes d'affaires È veillaient au grain. Le premier ministre s'est excusŽ et s'est engagŽ ˆ bien administrer le QuŽbec dorŽnavant. 

Et a continue comme cela depuis lors. Paul Desmarais a encore essayŽ de nous faire le coup en 1995, avec l'aide d'autres grands hommes d'affaires, dont Laurent Beaudoin et Michel BŽlanger. Toutefois, il n'est plus aussi facile de faire peur. Aprs trente annŽes, les arguments sont usŽs. Il faut les modifier, les adapter. 

Il a fallu du temps et la prise du pouvoir, en 1976, par le Parti quŽbŽcois pour que l'on apprenne comment se protŽger contre ce genre de pression. Il fallait aussi que le Parti quŽbŽcois rgle la question de la monnaie. Autrement, la crise apprŽhendŽe relativement ˆ une monnaie quŽbŽcoise empoisonnerait constamment le climat politique et Žconomique. 

Tout naturellement,, pour moi, un pays indŽpendant doit avoir sa banque centrale, sa monnaie et sa politique monŽtaire. En fait, plus le danger est grand sur le plan commercial, plus les risques de pressions financires sont ŽlevŽs, plus il est important de disposer d'une bonne marge d'autonomie monŽtaire. 

Pour RenŽ LŽvesque, le maintien de la monnaie canadienne Žtait une condition fondamentale de la rŽalisation du projet souverainiste par les QuŽbŽcois. Le raisonnement Žtait politique. C'est RenŽ LŽvesque qui avait raison. 

Ce que cette question de la monnaie a pu nous faire de tort ! La premire campagne Žlectorale que mena le Parti quŽbŽcois, en 1970, fut l'occasion pour ses adversaires de lancer Ç la piastre ˆ LŽvesque È, dont on prŽdisait d'ailleurs l'effondrement ˆ 65 cents, ce qui, en pensant ˆ ce qui est arrivŽ depuis au dollar canadien, peut faire sourire. 

Cette Žlection de 1970 fut aussi, rappelons-le, l'occasion d'un autre coup montŽ par les fŽdŽralistes. Quelques jours avant le scrutin, ˆ l'aube, plusieurs camions blindŽs de la Brinks s'arrtent devant le Royal Trust, ˆ MontrŽal, et une nuŽe de gardes transportent de la porte principale aux camions des dizaines de grands sacs. Les camions partent ensuite pour Toronto. Des journalistes et des photographes de presse - qu'on a sortis du lit pour l'occasion - se trouvent sur les lieux. 

Le coup fut superbe. Pour bien des gens, les dollars fuyaient le QuŽbec. Une monnaie quŽbŽcoise s'effondrerait donc forcŽment. Avec quelle monnaie allait-on pouvoir payer son hypothque ? Les votes nous glissaient entre les doigts. Le Parti quŽbŽcois remporta malgrŽ tout 23% des voix et sept siges. 

Ë l'Žlection de 1973, la question de la monnaie n'Žtait toujours pas rŽglŽe au Parti quŽbŽcois. En dŽpit des campagnes de peur, le PQ obtint 31% des voix, mais prit six siges seulement. 

Ë partir de lˆ, la prudence devint de rigueur. Le trait d'union entre souverainetŽ et association sera alors coulŽ dans le bŽton et l'association sera Žlargie bien au-delˆ de ce qui a trait aux courants commerciaux. ƒvidemment, le dollar canadien en sera un des ŽlŽments essentiels. 

Le Parti quŽbŽcois prendra le pouvoir, on le sait, en 1976, avec seulement 41% des voix et sans s'y attendre vraiment. Enfin, a y est ! Il y a lˆ comme une minute de vŽritŽ. Les souverainistes, pour la premire fois, n'ont plus ˆ s'excuser d'exister ni ˆ se dŽfendre de nuire ˆ l'emploi et au dŽveloppement. Ce qu'ils peuvent faire, on va le voir. 

Pour les fŽdŽralistes aussi, le moment est crucial. S'ils veulent mettre le nouveau gouvernement ˆ genoux, c'est maintenant qu'ils doivent le faire. Toutes les fausses fuites de capitaux Žtaient des expŽriences, des ballons d'essai en vue de ce qui vient d'arriver. 

Sauf que les leviers Žconomiques et financiers dont le QuŽbec s'est dotŽ dans les annŽes soixante sont maintenant rodŽs. On les attend de pied ferme, les fŽdŽralistes. 

La presse anglophone du QuŽbec et du Canada rŽpand partout en AmŽrique du Nord que le nouveau gouvernement quŽbŽcois, c'est le Ç Cuba du Nord È. Et Cuba, c'est la peste [3]. Ë la fois socialiste et sŽparatiste, le QuŽbec constitue une menace pour les capitalistes, les vrais dŽmocrates et les anglophones. ‚a fait beaucoup de monde ! 

La Caisse de dŽp™t et placement dispose de plusieurs centaines de millions de dollars en liquiditŽs ˆ court terme. Durant les jours qui suivent l'Žlection de 1976, des dizaines de millions de dollars en obligations du QuŽbec et d'Hydro-QuŽbec sont lancŽes sur le marchŽ. La Caisse laisse un peu tomber les cours, histoire de faire perdre de l'argent ˆ ceux qui vendent, puis elle achte. En fait, deux jours aprs l'Žlection, il est clair que la Caisse n'est pas Ç traversable È. 

Mais les marchŽs financiers de MontrŽal, de Toronto et de New York se ferment alors aux nouvelles Žmissions d'obligations du gouvernement du QuŽbec. Ce qui est surprenant de la part de New York, car la concurrence y est normalement trs vive. C'est d'ailleurs gr‰ce ˆ cette concurrence que nous avons pu assurer le financement de la nationalisation des compagnies d'ŽlectricitŽ. Mais l'Žvocation constante du socialisme et de Cuba a malheureusement fait son oeuvre. Ë titre de ministre des Finances, j'arriverai ˆ rŽaliser quelques placements privŽs en 1977, mais dans l'ensemble, le boycott tient. 

La Caisse de dŽp™t achte sans doute de grosses quantitŽs de titres d'ƒtat, mais c'est insuffisant. Je vais donc emprunter loin de l'Žpicentre du sŽisme... avec la plus grande facilitŽ. Il faut dire que l'abondance des pŽtrodollars ˆ cette Žpoque favorise l'opŽration. 

Je vais donc emprunter tout ce qu'il nous faut en Suisse, en Grande-Bretagne, en Allemagne, au japon et en Belgique. Les milieux financiers canadiens et amŽricains commencent alors ˆ se rendre compte que le seul effet de leur boycott a ŽtŽ de leur faire perdre de lucratives commissions. 

C'est ainsi que nous redevenons des gens honorables. Les marchŽs s'ouvrent ˆ nouveau gr‰ce ˆ l'action de nos nouveaux syndicats financiers au Canada, dirigŽs par LŽvesque Beaubien. C'est la premire fois dans l'histoire du QuŽbec qu'une maison francophone dirige le placement et la mise en marchŽ des obligations du gouvernement du QuŽbec. Nous ne cachons rien : chaque prospectus d'Žmission indique clairement que l'objectif politique principal du gouvernement est de rŽaliser la souverainetŽ du QuŽbec. 

Et que dire de l'Žconomie maintenant ? L'incertitude, les querelles fŽdŽrales-provinciales, la social-dŽmocratie, tout cela n'a-t-il pas influŽ profondŽment sur l'Žconomie ? Tout cela n'a-t-il pas ˆ coup sžr fait fuir les capitaux Žtrangers ? 

Qu'on en juge ! Les plus volatils des capitaux sont ceux qui sont investis dans l'industrie manufacturire. Pas ceux qui sont investis dans les richesses naturelles. Il n'est pas question, par exemple, qu'Alcan renonce, pour produire son aluminium brut, ˆ l'ŽlectricitŽ qu'elle tire de ses propres barrages ˆ un cožt rŽel Žquivalant au sixime du prix auquel Hydro-QuŽbec vend sa propre ŽlectricitŽ ˆ l'industrie. Mais la fabrication des casseroles ou des poutrelles d'aluminium peut se faire n'importe o. 

Pendant trois annŽes consŽcutives, soit en 1977, 1978 et 1979, les investissements manufacturiers ont augmentŽ au QuŽbec plus rapidement qu'en Ontario. Vive l'incertitude politique ! 

Quelques opŽrations rŽussies, comme le programme OSE, la nationalisation de l'assurance automobile et le zonage agricole, viennent dŽmontrer que non seulement le nouveau gouvernement a rŽsistŽ aux premiers assauts fŽdŽralistes, mais qu'il sait y faire. 

La prudence reste cependant terriblement de mise. Le Parti quŽbŽcois s'est engagŽ ˆ son congrs de 1974 ˆ tenir un rŽfŽrendum avant d'entreprendre quoi que ce soit au chapitre de la souverainetŽ. J'ai personnellement menŽ le combat contre l'idŽe mme d'un rŽfŽrendum. Pour moi, le QuŽbec Žtait entrŽ dans la ConfŽdŽration par un vote de ses dŽputŽs ; pourquoi ne pourrait-il pas en sortir de la mme faon ? Mais, le principe de la tenue d'un rŽfŽrendum ayant ŽtŽ adoptŽ par le congrs du Parti quŽbŽcois, en bon soldat, j'ai acceptŽ la nouvelle donne. 

Bien des annŽes plus tard, en voyant avec quelle facilitŽ la Slovaquie se sŽpare paisiblement de la RŽpublique tchque avec un simple vote de son Parlement, j'aurai comme un coup au cÏur. Mais il est trop tard maintenant. Renoncer volontairement ˆ l'engagement pris de ne se sŽparer du Canada qu'aprs un rŽfŽrendum gagnŽ serait trahir le mandat que le peuple quŽbŽcois a confiŽ ˆ ses dirigeants. Ë moins que l'on ne nous y force, Žvidemment. Si, ˆ Ottawa, on tient ˆ rendre un rŽfŽrendum quŽbŽcois illŽgal... Ç Ceux que Jupiter veut perdre, il les rend fous È, disait-on autrefois. 

Quoi qu'il en soit, plus le temps passe, plus la problŽmatique rŽfŽrendaire se complexifie. En 1976, le Parti quŽbŽcois a promis de former un bon gouvernement et de chercher, plus tard, par voie de rŽfŽrendum seulement, ˆ obtenir un mandat quant ˆ la souverainetŽ. 

Sans doute le gouvernement formŽ est-il trs bon. On en convient volontiers, mais les annŽes se succdent et il ne se produit pas grand-chose sur la question du rŽfŽrendum ni, consŽquemment, sur la question de la souverainetŽ. Les rŽsultats des sondages ne sont gure excitants ; ce qui est normal dans la mesure o il est impossible de voir une idŽe progresser dans l'opinion publique si l'on n'en parle pas ; c'est la rgle en dŽmocratie. Et surtout, on ne peut demander aux Žlecteurs d'avoir de l'assurance quant ˆ l'avenir si l'on n'en a pas soi-mme comme dŽputŽ ou ministre de ce bon gouvernement. 

Or, plus le temps passe, plus les pŽrils du trait d'union se manifestent. Au moyen de mŽmoires, d'Žtudes, de consultations, on prŽcise, on polit le contenu et les perspectives de l'association, en se disant qu'un jour tout cela va servir. Mais ce qui a ŽtŽ ŽlaborŽ pour rassurer les QuŽbŽcois, c'est avec Ottawa et le Canada anglais qu'il va falloir le nŽgocier. 

Et s'ils refusaient de nŽgocier ? Pas aprs le rŽfŽrendum... mais avant ? Qu'est-ce que l'on aurait alors ˆ dire ˆ ceux que l'on doit rassurer ? Et pendant que d'aucuns voient dŽjˆ s'Žtablir ˆ Hull le sige de la future banque centrale commune, ou de la commune Cour suprme, il faut bien se poser la question : Pourquoi les Canadiens accepteraient-ils de rassurer la clientle de leurs adversaires ? 

Dans cette logique, nous devons donc dŽmontrer que nous ne sommes pas leurs adversaires, qu'au fond, il est dans l'intŽrt des deux Ç ƒtats associŽs È de trouver des terrains d'entente, que l'on vivra mieux si nous formons deux pays distincts que si nous agissons, selon les mots de RenŽ LŽvesque, comme Ç deux scorpions dans une bouteille È. En somme, c'est tout autant pour le bien des Canadiens. En somme aussi, on les aime. J'exagre, bien sžr, en pensant ˆ d'autres ŽvŽnements qui se produiront quinze ans plus tard. 

Le question rŽfŽrendaire de 1980 sera finalement longue, douce et compliquŽe : la plus rassurante possible pour les francophones et la moins choquante possible pour les anglophones. Un deuxime rŽfŽrendum est prŽvu pour soulager les uns et les autres. 

Voici le libellŽ de la question :

 

Le Gouvernement du QuŽbec a fait conna”tre sa proposition d'en arriver, avec le reste du Canada, ˆ une nouvelle entente fondŽe sur le principe de l'ŽgalitŽ des peuples ; 

cette entente permettrait au QuŽbec d'acquŽrir le pouvoir exclusif de faire ses lois, de percevoir ses imp™ts et d'Žtablir ses relations extŽrieures, ce qui est la souverainetŽ - et, en mme temps, de maintenir avec le Canada une association Žconomique comportant l'utilisation de la mme monnaie ; 

aucun changement de statut politique rŽsultant de ces nŽgociations ne sera rŽalisŽ sans l'accord de la population lors d'un autre rŽfŽrendum ; 

en consŽquence, accordez-vous au Gouvernement du QuŽbec le mandat de nŽgocier l'entente proposŽe entre le QuŽbec et le Canada ? 

Il s'agit, on le voit bien, d'une demande de mandat de nŽgocier. La population, cependant, ne s'y trompera pas : ceux qui rŽpondront OUI sont favorables ˆ la souverainetŽ ; ceux qui voteront NON sont contre. 

La riposte des fŽdŽralistes s'articulera autour de trois thmes. D'abord, la rŽponse ˆ la demande de nŽgociation : NON merci ! Plusieurs premiers ministres des autres provinces vont joindre leur voix ˆ celle d'Ottawa : NON merci ! 

En deuxime lieu, nous aurons droit aux arguments fŽdŽralistes classiques : les pensions de vieillesse ne seront plus payŽes, l'incertitude va continuer de rŽgner, le ch™mage va s'intensifier, sans compter que le prix de l'essence va grimper. Notons que la politique nationale de l'Žnergie est en vigueur : elle cožtera 50 ou 60 milliards de dollars aux provinces de l'Ouest qui doivent fournir ˆ l'Ontario du pŽtrole ˆ un prix infŽrieur au cours international. Le QuŽbec, qui s'approvisionne sur les marchŽs internationaux, reoit des subventions fŽdŽrales pour maintenir ses prix au niveau ontarien. C'est compltement absurde, ce programme est intenable et il ne durera pas. Mais il est arrivŽ au bon moment. Le premier ministre actuel, Jean ChrŽtien, alors ministre dans le gouvernement Trudeau, bat la campagne sur le thme : Ç Si vous vous sŽparez, le prix du gaz va monter. È On ne fait pas dans la dentelle ! 

Et puis, comme troisime thme, Pierre Trudeau s'engage solennellement, ˆ l'occasion d'une grande assemblŽe au centre Paul-SauvŽ, ˆ modifier la Constitution, si majoritairement les QuŽbŽcois votent NON. Tout le monde comprend que ce serait dans le sens d'Žlargir les pouvoirs confŽrŽs au QuŽbec. On verra un an plus tard que c'est tout le contraire qu'il avait en tte. Il enlvera des pouvoirs au QuŽbec. Nous avons ŽtŽ roulŽs une fois de plus. 

Les rŽsultats du rŽfŽrendum de 1980, 40% pour le OUI, 60% pour le NON, montrent que les francophones sont divisŽs en deux groupes d'importance Žgale. Ce rŽsultat a de quoi faire peur. La question qui se voulait douce, pour simplement obtenir un mandat de nŽgocier, revient comme un boomerang. Ce que les QuŽbŽcois ont refusŽ ˆ leur gouvernement, ce n'est pas de faire la souverainetŽ ; aprs tout, ils pourraient se reprendre plus tard en invoquant que les esprits n'Žtaient pas suffisamment prŽparŽs, que l'adversaire a ŽtŽ dŽloyal, et que sais-je encore. Non, ce que les QuŽbŽcois ont refusŽ ˆ leur gouvernement, c'est le mandat lui permettant d'aller voir ce qu'il en est. 

Une sorte d'effondrement psychologique chez les souverainistes va suivre 1980, effondrement que la nouvelle victoire Žlectorale du Parti quŽbŽcois en 1981 ne rŽussira pas vraiment ˆ corriger. La rŽforme constitutionnelle unilatŽrale par Ottawa, la trahison commise contre le QuŽbec par les provinces avec lesquelles il s'Žtait temporairement alliŽ (on n'oubliera jamais la Ç nuit des longs couteaux È) et la rŽcession qui commence entra”nent un profond dŽcouragement. 

Et pourtant, le QuŽbec ne se dŽbrouille pas si mal. Il sortira de la rŽcession plus rapidement que toutes les autres provinces. La garde montante des gens d'affaires d'ici fait des merveilles. 

Mais ˆ quoi bon dŽployer tant d'efforts quand le rve est brisŽ ? En 1984, avec l'avnement du Ç beau risque È que le premier ministre du QuŽbec accepte de prendre avec le gouvernement conservateur de Brian Mulroney, on comprend qu'une page a ŽtŽ tournŽe. Le texte que publiera RenŽ LŽvesque le 20 novembre de cette annŽe-lˆ marque pour moi la fin d'une Žpoque. Je dŽmissionne ˆ la fois comme ministre des Finances et comme dŽputŽ. Plusieurs autres dŽputŽs et ministres du Parti quŽbŽcois partent, dont Camille Laurin, le pre de la loi 101. 

En 1988, je reviendrai aux affaires en me portant candidat ˆ la prŽsidence du Parti quŽbŽcois. Pendant les quatre annŽes de ma retraite, j'ai souvent rŽflŽchi ˆ ces quinze annŽes (1969-1984) durant lesquelles la pensŽe et l'action souverainistes se sont dŽveloppŽes. Avec un peu de recul, j'en suis venu ˆ la conclusion que l'on n'irait pas plus loin dans le sens de notre objectif en utilisant les mmes formules, les mmes moyens, le mme cheminement. 

En outre, le contexte Žconomique a beaucoup ŽvoluŽ au cours du dernier quart de sicle. Des apprŽhensions, justifiŽes, on l'a vu, dans les annŽes soixante, ne le sont plus de nos jours. Il y a des risques dans tout, la vie est comme cela, mais ils ne sont plus les mmes, et on se protge autrement contre ces nouveaux risques. 

Rien dans ce que je vais maintenant prŽsenter ne doit, mme implicitement, tre vu comme une critique de tel ou tel aspect de la pensŽe ou de l'Žvolution politique de RenŽ LŽvesque. J'ai essayŽ de montrer ce que je pense qu'elles ont ŽtŽ. D'accord ou non avec lui, d'ŽvŽnement en ŽvŽnement, j'ai ŽtŽ solidaire. Et quand je n'ai plus ŽtŽ solidaire, je suis parti. Renier RenŽ LŽvesque serait me renier moi-mme. 

La premire leon que j'ai tirŽe du rŽfŽrendum de 1980, c'est que, si on veut rŽaliser la souverainetŽ, il faut le dire, sans dŽtour. Dieu sait combien, dans le cheminement qui va de l'Žchec de l'accord du lac Meech au rŽfŽrendum de 1995, les propositions ont ŽtŽ nombreuses pour tenter de faire du QuŽbec un pays souverain sans que ce soit tout ˆ fait la vraie chose, en cherchant divers moyens de rassurer les indŽcis, en prŽtendant s'inspirer de l'Union europŽenne sans toutefois passer par la souverainetŽ des ƒtats, ou encore en offrant des choix multiples dans une mme question rŽfŽrendaire. 

Je ne crois pas ˆ la confusion comme instrument politique pour faire avancer les choses. Et je ne crois plus ceux pour qui le moment n'est jamais le bon. 

J'ai rompu avec ces hŽsitations rŽpŽtŽes, ces constructions constitutionnelles biscornues, ces tactiques dilatoires, en m'appuyant sur deux formules simples. Premirement, le Parti quŽbŽcois est souverainiste avant, pendant et aprs les Žlections ; la souverainetŽ est sa principale raison d'tre. Deuximement, un rŽfŽrendum devra tre tenu pour obtenir le mandat de rŽaliser la souverainetŽ du QuŽbec ; aprs avoir pris le pouvoir, on tiendra rapidement ce rŽfŽrendum. 

Tout ce qui va s'ensuivre repose sur ces deux idŽes-lˆ. Elles me guideront dans tous les dŽbats constitutionnels qui commencent avec la nŽgociation de l'accord du lac Meech. 

Sans reprendre ici toute la litanie des grand-messes constitutionnelles qui se sont dŽroulŽes annŽe aprs annŽe, il est vrai que je ne me suis pas laissŽ distraire de mon objectif et que j'ai habituŽ mon parti ˆ la mme rigueur. On m'a dŽjˆ accusŽ d'tre le vrai responsable de l'Žchec de l'accord du lac Meech. Il y a du vrai dans cette affirmation. Aussi futiles qu'aient pu tre les dispositions de cet accord, j'Žtais profondŽment convaincu, peut-tre parce que je les frŽquente depuis fort longtemps, que les Canadiens anglais n'accepteraient pas l'accord proposŽ par leurs dirigeants. Ils jugeraient que c'Žtait encore trop gŽnŽreux pour le QuŽbec. Alors j'ai passŽ des mois ˆ implorer, ˆ l'AssemblŽe nationale et en dehors de lÕAssemblŽe nationale, Ç mon È premier ministre Robert Bourassa de ne pas reculer, mme d'un pouce, par rapport aux cinq conditions qu'il avait posŽes. 

La commission BŽlanger-Campeau fut, paradoxalement, un moment de grand pŽril. Jamais l'option souverainiste n'avait ŽtŽ aussi forte dans l'opinion publique. Mais il subsistait encore un espoir tenace selon lequel il fallait donner une dernire chance au systme fŽdŽral. Donnerait-on une dernire chance au Canada avant de proposer un rŽfŽrendum sur la souverainetŽ ? Et qui jugerait de la qualitŽ de cette dernire chance ? 

Sans reprendre dans les menus dŽtails les tractations entre les membres de la commission BŽlanger-Campeau, disons simplement que mon enttement n'est pas venu ˆ bout de l'espoir que continuait de susciter l'idŽe d'une dernire chance. Mais au moins, la recommandation fut faite de tenir un rŽfŽrendum sur la souverainetŽ et de le tenir au plus tard en octobre 1992. 

Les reprŽsentants du gouvernement signrent le rapport BŽlanger-Campeau. Le gouvernement prŽsenta un projet de loi (la loi 150) qui reprenait mot pour mot les recommandations de la commission BŽlanger-Campeau, mais en les faisant prŽcŽder de considŽrants qui soulevaient des doutes sŽrieux quant ˆ l'intention vŽritable de tenir le rŽfŽrendum prŽvu par la loi. Aprs que les deux commissions parlementaires crŽŽes par la loi 150 eurent siŽgŽ pendant des mois (l'une traitant des consŽquences de l'accession ˆ la souverainetŽ, l'autre se penchant sur les balises d'une offre fŽdŽrale acceptable), le gouvernement annona qu'il n'y aurait pas de rŽfŽrendum. Les QuŽbŽcois s'Žtaient encore fait rouler. 

Ë Ottawa, pendant ce temps, on cherche toujours une solution. De commissions d'enqute en spectacles tŽlŽvisŽs, on arrive finalement ˆ un accord entre le premier ministre canadien, les premiers ministres des provinces et les chefs autochtones sur un projet de vaste rŽforme constitutionnelle, projet qui sera soumis ˆ l'approbation des Žlecteurs dans le cadre d'un rŽfŽrendum pancanadien. Ce sera le rŽfŽrendum de 1992 sur l'entente de Charlottetown. Pas celui que je souhaitais. Qu'importe. L'occasion est belle de descendre ce canard de la dernire, dernire chance du fŽdŽralisme canadien. 

Les QuŽbŽcois votrent majoritairement contre le projet ; les Canadiens des provinces anglaises se prononcrent eux aussi majoritairement contre, de mme que les autochtones. Le cirque constitutionnel se terminait donc par un vote des trois Žlectorats contre tous les dirigeants du Canada. Du jamais vu ! 

Ë partir de lˆ, mon programme devint clair. En 1992, on a gagnŽ le rŽfŽrendum de Charlottetown. En 1993, la majoritŽ de la dŽputation du QuŽbec ˆ Ottawa est composŽe de souverainistes. En 1994, le Parti quŽbŽcois reprend le pouvoir au QuŽbec. Et en 1995, le rŽfŽrendum sur la souverainetŽ aura lieu. 

Comment allait-on accŽder ˆ cette souverainetŽ ? Sur quelles bases ? Il est clair que, depuis plusieurs annŽes, je ne parlais ˆ peu prs plus que de souverainetŽ. Le trait d'union s'Žtait estompŽ. On pouvait, j'en Žtais persuadŽ, rŽaliser la souverainetŽ mme si les Canadiens Žtaient pendant un temps intraitables. Je voulais que plus jamais nous ne soyons placŽs devant un Ç NON merci ! È Par ailleurs, j'Žtais convaincu que la vaste majoritŽ des anglophones et des allophones du Canada et du QuŽbec seraient de toute faon contre toute forme de souverainetŽ tant et aussi longtemps que les QuŽbŽcois ne se seraient pas prononcŽs dŽmocratiquement en faveur de celle-ci. 

J'ai fait hurler la presse et les bonnes ‰mes en soutenant durant un conseil national du Parti quŽbŽcois qu'il nous fallait obtenir une partie suffisante du vote francophone de sorte que le vote anglophone et allophone ne nous soit pas nŽcessaire. Rien de ce qui s'est dŽroulŽ par la suite n'a remis mon affirmation en question, bien au contraire. Je demeure convaincu que le seul critre important quant ˆ l'orientation du vote sur la souverainetŽ, c'est la langue. Ce n'est ni la race ni la couleur ; c'est la langue. Je connais beaucoup de souverainistes d'origine ha•tienne alors que je n'en connais aucun chez les jama•cains... 

Quand on veut Žvaluer les chances pour le Parti quŽbŽcois de remporter une circonscription, le premier ŽlŽment retenu est le pourcentage de francophones. Aprs tout, les francophones comptent pour 83% de la population du QuŽbec. Il y a lˆ toute la place nŽcessaire pour obtenir une dŽcision majoritaire. 

Et les autres QuŽbŽcois, les anglophones, les allophones ? On les dŽteste ? Non, on attend tout simplement que la souverainetŽ soit chose faite et ensuite, la nature humaine Žtant ce qu'elle est, on dŽcouvrira enfin des QuŽbŽcois lˆ o aujourd'hui on ne trouve que des Canadiens, avec quelques exceptions proprement hŽro•ques. 

Cela dit, envisager de rŽaliser la souverainetŽ en indiquant bien aux Canadiens que nous sommes prts ˆ nŽgocier, mais que s'ils refusent de discuter, nous procŽderons quand mme, est-ce faisable sans exposer la sociŽtŽ quŽbŽcoise ˆ des risques indus ? 

Il ne faut pas donner une rŽponse Žmotive ˆ cette question. C'est comme quand on joue aux cartes. Avant d'annoncer, on regarde son jeu. Le jeu qu'avait en main RenŽ LŽvesque ˆ la fin des annŽes soixante l'amenait nŽcessairement ˆ la souverainetŽ-association. Le jeu que moi j'avais en main au dŽbut des annŽes quatre-vingt-dix m'amenait ˆ vouloir rŽaliser la souverainetŽ avec l'accord du Canada de prŽfŽrence, mais sans son accord au besoin. Cela, il faut l'expliquer. 

Je vais le faire en montrant quatre cartes : les courants commerciaux, la monnaie et les courants financiers, la citoyennetŽ et la reconnaissance internationale. La dŽmonstration sera forcŽment schŽmatique dans le cadre de la prŽsente introduction, mais plusieurs de mes discours portent sur ces questions ou y font rŽfŽrence. 

Le monde Žconomique et commercial a beaucoup changŽ en un quart de sicle. Les barrires douanires ont ŽtŽ, gr‰ce au GATT, trs substantiellement abaissŽes. L'utilisation des quotas est prŽcisŽment rŽglementŽe. L'intŽgration commerciale des pays de l'Europe de l'Ouest est ˆ toutes fins utiles terminŽe. Les barrires tarifaires amŽricaines ont suivi le mouvement gŽnŽral. Mais voilˆ qu'ˆ partir de 1987, le Congrs amŽricain est devenu trs protectionniste et que ses membres ont multipliŽ les projets de lois en vue de rŽduire ou de bloquer les importations qui font du tort ˆ tel ou tel lobby associŽ ˆ l'un ou l'autre des membres de la Chambre des reprŽsentants ou du SŽnat. 

1 Pour le Canada, premier partenaire commercial des ƒtats-Unis, la menace est terrible. Qu'un quart seulement des mesures protectionnistes proposŽes soit adoptŽ et voilˆ le Canada plongŽ dans une profonde rŽcession. La Maison-Blanche, beaucoup moins protectionniste que le Congrs, voit le danger et, prenant l'offensive, propose un traitŽ de libre-Žchange complet avec le Canada. Le premier ministre Mulroney n'a pas le choix. Il doit accepter, car, autrement, le Congrs aurait les mains libres et pourrait agir ˆ sa guise. 

Le libre-Žchange comporte pour les diverses rŽgions du Canada des avantages et des inconvŽnients diffŽrents. Prenons le cas de l'Ontario o les investissements amŽricains sont considŽrables : un grand nombre de filiales s'y sont installŽes uniquement ˆ cause des droits de douane canadiens, ou, dans le domaine de l'automobile, ˆ cause des clauses du Pacte de l'automobile qui protge la construction de vŽhicules au Canada. Le libre-Žchange peut donc vouloir dire de sŽrieux bouleversements pour l'Ontario. David Peterson, alors premier ministre de cette province, refuse d'appuyer le gouvernement fŽdŽral et menace d'aller devant les tribunaux pour l'empcher de conclure ce traitŽ de libre-Žchange avec les AmŽricains. J'ai ˆ cette Žpoque eu l'occasion, ˆ Toronto, de causer tout un Žmoi en affirmant que, si j'Žtais ontarien, je serais d'accord avec lui. 

Mais je ne suis pas ontarien. Au QuŽbec, une part bien plus importante de l'activitŽ Žconomique est entre les mains d'entrepreneurs locaux. Pour eux, pouvoir vendre, sans entrave, leurs produits aux ƒtats-Unis est un vŽritable cadeau du ciel. Mais comme les syndicats quŽbŽcois ont tendance ˆ embo”ter le pas aux syndicats ontariens dans leur opposition au libre-Žchange, le Parti quŽbŽcois hŽsite ˆ en appuyer le principe. 

Avec l'aide hautement efficace de Bernard Landry, je rŽussis ˆ faire effectuer un virage ˆ 180 degrŽs au Parti quŽbŽcois dont je viens de prendre la prŽsidence. D'abord parce que nous pensons que le libre-Žchange favorise le QuŽbec, et aussi en raison des rŽpercussions politiques immenses que la signature de ce traitŽ va entra”ner. Le QuŽbec, d'un seul coup, se mettrait ainsi ˆ l'abri de toutes les reprŽsailles commerciales ou Žconomiques que le Canada pourrait envisager ˆ la suite d'une dŽclaration de souverainetŽ. C'Žtait, en somme, faire appel aux AmŽricains pour nous protŽger contre les Canadiens. Le libre-Žchange sonnerait aussi le glas des menaces dont on nous abreuvait depuis si longtemps : Ç On n'achtera plus vos vtements ; on ne vous vendra plus notre boeuf. È 

Les AmŽricains n'ont jamais aimŽ le r™le que le QuŽbec leur a fait jouer face ˆ leurs amis canadiens, mais ils ont bien ŽtŽ forcŽs de reconna”tre qu'au QuŽbec le traitŽ de libre-Žchange recevait l'appui des deux partis politiques (autant des dŽputŽs libŽraux que des dŽputŽs pŽquistes) et que ce fut gr‰ce ˆ cet appui non partisan (mais non dŽnuŽ d'arrire-pensŽe) que Brian Mulroney put signer le traitŽ. 

Par l'ajout du Mexique, ce traitŽ deviendra l'ALENA, toujours avec l'appui ˆ peu prs unanime du QuŽbec (exception faite des rŽserves comprŽhensibles exprimŽes par les syndicats quant aux conditions de travail et ˆ la protection de l'environnement). 

Finalement, en 1994, ˆ Miami, les dirigeants des trois AmŽriques souscriront au principe d'une zone de libre-Žchange s'Žtendant du p™le Nord ˆ la Terre de Feu. Ç Sans le QuŽbec È, diront quelques rigolos. 

Dans leur embarras, et au fur et ˆ mesure que l'on se rapprochait du rŽfŽrendum quŽbŽcois de 1995, les AmŽricains soulignaient que la reconnaissance d'une place spŽcifique dans l'ALENA ne serait pas automatique, qu'il faudrait discuter de certaines choses. Bien sžr, mais le QuŽbec est dŽjˆ inclus dans l'ALENA. Et le commerce total entre le QuŽbec et les ƒtats-Unis est Žgal au commerce total entre les ƒtats-Unis, d'une part, et le BrŽsil, l'Argentine et le Chili rŽunis, d'autre part. Cela n'est pas marginal. Cela se sait. 

Dans ces conditions, le dŽbat sur les reprŽsailles Žventuelles que pourrait exercer contre nous un Canada de mauvaise humeur s'est petit ˆ petit apaisŽ. Ç Mais les quotas de lait seront perdus È, ont continuŽ de clamer quelques attardŽs. jusqu'ˆ ce qu'ils se rendent compte que les dernires nŽgociations du GATT avaient minŽ les quotas ! 

Comme on dit en anglais : The proof of the pudding is in the eating. Les ventes du QuŽbec au Canada plafonnent depuis sept ans alors qu'elles augmentent trs rapidement sur le marchŽ amŽricain, maintenant bien plus important pour nous que le marchŽ canadien. 

La question de la monnaie reflte aussi l'intŽgration des marchŽs. De nos jours, les mouvements, de part et d'autre des frontires, d'argent ˆ court terme, c'est-ˆ-dire l'argent placŽ pour quelques jours ou quelques semaines seulement, Žquivalent ˆ certains moments ˆ 30 ou 40 fois la valeur des transactions commerciales portant sur des produits ou services. Aussi bien dire que des intŽrts hostiles peuvent jeter une nouvelle monnaie par terre en quelques jours. 

Donc, vive le dollar canadien ! On n'aura alors au QuŽbec aucune influence sur la politique monŽtaire ? C'est vrai, mais on n'en a jamais eu. Est-ce une dŽcision prise pour l'ŽternitŽ ? Ç ƒternitŽ È est un bien grand mot. Ç L'avenir dure longtemps È, disait le gŽnŽral de Gaulle. 

Comment rŽagira le Canada quand le QuŽbec souverain va lui annoncer sa dŽcision de garder le dollar canadien comme monnaie lŽgale ? Ce serait un euphŽmisme que de dire qu'il ne sera pas content. Mais il ne pourra rien y faire. Les QuŽbŽcois sont propriŽtaires de plus de 100 milliards de dollars canadiens. Ce n'est pas une dette cela, c'est un actif Il n'y a aucun moyen de leur enlever ces milliards. Si les QuŽbŽcois veulent les garder, ils les gardent. 

Les Canadiens peuvent-ils, cependant, limiter ou mme arrter l'arrivŽe de nouveaux dollars canadiens au QuŽbec, ces dollars Žtant nŽcessaires pour parer ˆ la hausse de l'activitŽ Žconomique ? 

Des techniciens anglophones, les seuls crŽdibles en l'occurrence, se sont penchŽs sur cette question et ont finalement conclu que pour empcher les QuŽbŽcois de se servir du dollar canadien pour rŽpondre ˆ leurs besoins de tous les jours, il faudrait astreindre les Canadiens ˆ des contr™les des changes insupportables. Un de ces contr™les, par exemple, parmi les moins draconiens, consisterait ˆ leur interdire de se servir de leurs cartes de crŽdit ˆ l'Žtranger. 

La conclusion de tout cela a ŽtŽ bien exprimŽe par le titre d'un Žditorial paru dans La Presse : Ç C'est la fin du dŽbat monŽtaire È. Le message est clair aussi pour les fŽdŽralistes du reste du Canada : les menaces exagŽrŽes quant aux consŽquences Žconomiques de la souverainetŽ du QuŽbec sont susceptibles d'affecter le cours de leur propre monnaie. 

Ainsi, on a bien pu annoncer l'apocalypse en cas d'un rejet de l'entente de Charlottetown. Personne n'y a cru. Tout a ŽtŽ calme. 

D'ailleurs, la Banque du Canada n'est pas dŽpourvue de moyens pour agir sur le marchŽ des changes. Et le gouvernement du QuŽbec n'est pas dŽpourvu de moyens non plus pour agir sur les marchŽs monŽtaires et financiers en dollars canadiens. Ë la veille du rŽfŽrendum de 1995, on se souviendra longtemps que le ministre des Finances, Jean Campeau, avait rŽuni prs de 17 milliards de liquiditŽs pour pouvoir parer ˆ toute ŽventualitŽ. 

La question de la citoyennetŽ est apparue Žgalement comme un des aspects de l'intŽgration des marchŽs. jusqu'ici, nous avions parlŽ de libre-Žchange des produits, des services et des capitaux. Que faire en ce qui a trait ˆ la mobilitŽ des personnes ? Non pas s'il s'agit de touristes, car ˆ ce chapitre, cela va de soi, mais s'il s'agit plut™t de travailleurs. 

Les Žchanges de personnel cadre des entreprises sont frŽquents entre MontrŽal et Toronto. Une quinzaine de milliers de personnes de la rŽgion de Hull travaillent dans le secteur privŽ ˆ Ottawa et dans ses environs. Des cas semblables ont ŽtŽ rŽglŽs par voie de nŽgociations entre le Canada et les ƒtats-Unis, par exemple ˆ l'Žgard de la main-d'oeuvre frontalire qui se dŽplace chaque jour entre Windsor, du c™tŽ canadien, et Detroit, du c™tŽ amŽricain. 

En vertu de mon hypothse, aprs que le QuŽbec aura pris la dŽcision de devenir un pays souverain, les Canadiens, pendant un certain temps, seront furieux. J'imagine mal que des nŽgociations puissent aboutir rapidement sur une question aussi dŽlicate. 

La double citoyennetŽ permettrait d'arranger les choses. Cette affirmation appelle bien sžr quelques explications. Au moment o le QuŽbec deviendra souverain, tout citoyen canadien rŽsidant au QuŽbec obtiendra automatiquement sa citoyennetŽ quŽbŽcoise. Certains QuŽbŽcois, je pense ici aux anglophones, aux allophones et aux francophones fŽdŽralistes les plus convaincus, vont vouloir garder leur citoyennetŽ canadienne. Il sera alors trs difficile pour le gouvernement du Canada, qui autorise au moyen d'une loi la double citoyennetŽ avec tous les autres pays du monde, de ne pas accorder ˆ ces gens la citoyennetŽ canadienne. 

D'ailleurs, si Ottawa refusait la citoyennetŽ canadienne ˆ ceux qui veulent la garder, ˆ qui la refuserait-il ? Ë ses alliŽs, ˆ ses amis, aux troupes fŽdŽralistes ! 

Il y aurait, bien sžr, des contraintes administratives. Le citoyen quŽbŽcois dŽsirant conserver la citoyennetŽ canadienne devrait sans doute en faire explicitement la demande. Et pourquoi pas ? Le gouvernement du QuŽbec, lui, n'y verrait certainement pas d'objection. Mais ce n'est pas ˆ lui de prendre la dŽcision. 

En somme, les cartes que l'on a en main pour prŽparer le rŽfŽrendum de 1995 permettent d'Žviter d'avoir ˆ demander l'autorisation de se proclamer souverain ˆ qui que ce soit d'autre qu'au peuple quŽbŽcois. Et on possde dŽsormais les moyens de rŽaliser la souverainetŽ. 

On sent cependant, sur le plan politique, mme chez les souverainistes les plus convaincus, une sorte de nostalgie ˆ l'Žgard du Canada. Au moment de se sŽparer, on aimerait bien pouvoir garder des liens avec les voisins, les amis. Les Commissions rŽgionales sur l'avenir du QuŽbec reflŽteront d'ailleurs trs bien cette rŽalitŽ. On cherche une faon de dŽmontrer sa bonne foi, l'ouverture ˆ des nŽgociations. 

Les prŽoccupations ne concernent pas les nŽgociations sur le partage de la dette et des actifs qui, elles, sont inŽvitables., Dans ce cas-lˆ, il n'y a rien ˆ craindre : le Canada anglais voudra sžrement nŽgocier, car c'est lui qui va recevoir de l'argent. Pour la premire fois, les QuŽbŽcois seront payeurs (ˆ mme les imp™ts qu'ils vont rŽcupŽrer). Il faut s'habituer ˆ cette idŽe. C'est une force pour le QuŽbec, et non pas une faiblesse. 

Ce qui prŽoccupe beaucoup de QuŽbŽcois, c'est autre chose, c'est un Žventuel accord Žconomique. Cette prŽoccupation se traduit sous la forme concrte d'une offre de partenariat. J'ai ŽtŽ initialement trs rŽticent ˆ accepter un tel concept. Ë notre Žpoque, a part la CorŽe du Nord et quelques autres contrŽes, je ne vois pas trs bien qui n'est pas en partenariat avec un ou plusieurs autres pays, sous une forme ou sous une autre. Tout est tellement intŽgrŽ. Et des structures de gestion de cette intŽgration, le monde en est plein. 

On ne peut tre contre le partenariat, pas plus qu'on ne peut tre contre la vertu ou contre la maternitŽ ! Cette rŽalitŽ n'implique pas que l'on doive parler de Ç souverainetŽ-vertu È ou de Ç souverainetŽ-maternitŽ È. Pourquoi alors la Ç souverainetŽ-partenariat È ? 

Le danger est alors grand que nous retombions dans le pige de 1980, d'autant plus que certains ou bien l'ont oubliŽ et ne se souviennent que de la Ç belle Žpoque È, ou bien ne l'ont pas vu et croient encore que si on aime suffisamment les Canadiens, ils nous donneront leur bŽnŽdiction. 

L'entente du 12 juin 1995 a ŽtŽ signŽe par Mario Dumont pour l'Action dŽmocratique du QuŽbec, par Lucien Bouchard pour le Bloc quŽbŽcois et par moi-mme pour le Parti quŽbŽcois. Cette entente tripartite dŽcrit une proposition de partenariat. J'en ai examinŽ mot par mot quatre versions successives. Celle qui a ŽtŽ signŽe nous permet d'Žviter les piges. Ë condition que l'on se souvienne de son contenu. Ce qui pourrait arriver de pire, c'est qu'elle soit transformŽe en ic™ne... L'objectif est la souverainetŽ, pas le partenariat. 

Cela Žtant, j'ai alors la profonde conviction que personne au Canada ne voudra discuter de partenariat tant et aussi longtemps qu'une majoritŽ de QuŽbŽcois n'auront pas votŽ OUI ˆ un rŽfŽrendum spŽcifiquement destinŽ ˆ rŽaliser la souverainetŽ du QuŽbec. Tout de suite aprs, les Canadiens voudront entamer des nŽgociations avec nous, dans un premier temps sur des questions incontournables comme le partage de la dette et des actifs, la voie maritime du Saint-Laurent et la libertŽ de circulation entre l'Ontario et le Nouveau-Brunswick. LÕentente finale entre les deux pays s'appellera Ç partenariat È si les deux pays le souhaitent, et son contenu sera peut-tre passablement diffŽrent de ce qui a ŽtŽ proposŽ dans le document du 12 juin 1995. Mais il sera peut-tre analogue, qui sait ? 

Tout n'a pas ŽtŽ traitŽ, tant s'en faut, dans cette introduction. La question des droits des anglophones ainsi que celle de l'autonomie gouvernementale des autochtones, par exemple, ont donnŽ lieu ˆ la rŽdaction de plusieurs discours, dont on trouvera plus loin des extraits. 

Il me reste ˆ aborder une question essentiellement politique, celle de la reconnaissance internationale du QuŽbec. Le problme m'a longtemps prŽoccupŽ. J'en ai beaucoup discutŽ, ˆ Washington et ˆ Paris notamment, et cela ˆ plusieurs reprises. JÕen suis arrivŽ ˆ la conclusion que le Canada fera l'impossible, aprs un rŽfŽrendum gagne par le camp du OUI et une dŽclaration d'indŽpendance adoptŽe ˆ l'AssemblŽe nationale, pour empcher la reconnaissance du QuŽbec ˆ l'Žtranger, en commenant par les ƒtats-Unis. Et les ƒtats-Unis obtempŽreront aux dŽsirs du gouvernement canadien. Quand on voit combien de temps ont mis les ƒtats-Unis pour reconna”tre la Lituanie afin de ne pas dŽplaire ˆ Boris Eltsine, on peut imaginer ce qu'ils accepteront de faire ou de ne pas faire pour ne pas peiner leurs cousins canadiens. 

La seule chose qui pourrait faire bouger les ƒtats-Unis, ce serait que la France annonce qu'elle va reconna”tre le QuŽbec. Et cela aiderait qu'elle soit entourŽe dans cette dŽmarche par d'autres pays membres de la francophonie. Mon voyage officiel en France, en janvier 1995, a pavŽ la voie ˆ cette reconnaissance. 

Une semaine avant le jour du rŽfŽrendum de 1995, l'opŽration destinŽe ˆ faire aboutir la reconnaissance du QuŽbec par la France avait ŽtŽ engagŽe. Deux jours aprs le rŽfŽrendum, si le rŽsultat avait ŽtŽ OUI, l'AssemblŽe nationale du QuŽbec aurait ŽtŽ convoquŽe. Et les rŽserves financires requises Žtaient en place... 

La question rŽfŽrendaire Žtait ainsi formulŽe : 

 

Acceptez-vous que le QuŽbec devienne souverain, aprs avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat Žconomique et politique, dans le cadre du projet de loi sur l'avenir du QuŽbec et de l'entente signŽe le 12 juin 1995 ? 

 

Les rŽsultats furent les suivants : OUI, 49,4%, NON, 50,6%.

 

Quelque 61% des francophones ont votŽ OUI. Un dŽplacement de 26 000 voix (sur 5 millions) aurait placŽ les OUI et les NON ˆ ŽgalitŽ. J'ai annoncŽ ma dŽmission le lendemain du rŽfŽrendum. 

On a failli rŽussir. C'est pour cela qu'il ne faut pas que les leons se perdent. Il faut se souvenir de quelle faon, avec quels arguments, gr‰ce ˆ quelles stratŽgies, on a pu convaincre cette majoritŽ de francophones, et passer aussi prs du but. 

Les pages qui suivent mettent, bien sžr, l'accent sur mon propre cheminement, mais elles ne devraient pas tre inutiles, je l'espre, pour ceux qui prŽparent la prochaine Žtape de notre marche vers la souverainetŽ. 

La conclusion de l'ouvrage est tout entire tournŽe vers cette prochaine Žtape... avec mes meilleurs vÏux de succs.


[1]     En fait, le projet quŽbŽcois n'aboutira pas.

[2]     Les Slovaques ont annoncŽ qu'ils garderaient comme monnaie nationale la couronne tchque, mais pour six mois seulement. La spŽculation s'en est donnŽ ˆ cÏur joie et une monnaie slovaque a dž tre crŽŽe en catastrophe.

[3]     Ce n'est que plus tard que Fidel Castro deviendra un champion de l'unitŽ canadienne !

=====

NDLR. J'ai mis en Žvidence 4 passages ci-dessus.

la trahison commise contre le QuŽbec par les provinces avec lesquelles il s'Žtait temporairement alliŽ (on n'oubliera jamais la Ç nuit des longs couteaux È)

 

Le multiculturalisme est une aberration, au mme titre que le bilinguisme institutionnel et constitutionnel, mais tre multilingue pour quelqu'un qui appartient ˆ un petit peuple comme le n™tre s'avre utile, voire nŽcessaire, dans le monde de demain

 

le Canada anglais voudra sžrement nŽgocier, car c'est lui qui va recevoir de l'argent

 

le seul critre important quant ˆ l'orientation du vote sur la souverainetŽ, c'est la langue. Ce n'est ni la race ni la couleur ; c'est la langue

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Un extrait de Science et Francophonie en 1982.

****Jacques Parizeau et le franais dans les publications scientifiques.

Jacques Parizeau, Pierre Demers, Jean-Pierre Chevnement, Fernand Lalonde, Camille Laurin et Jacques-Yvan Morin.

 

Voici un extrait de SF2, paru en avril 1983. Pierre Duchesne, ancien Ministre et auteur d'une biographie de Jacques Parizeau, voudrait-il ajouter ses commentaires?

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. Description : Macintosh HD:Users:pierre1:Desktop:6.Captures d'écran:Parizeau32015-08-01 à 06.23.39.png .

. Description : Macintosh HD:Users:pierre1:Desktop:6.Captures d'écran:Parizeau42015-08-01 à 06.25.04.png .

.  .

RŽfŽrences.

RŽf. 1.  Jacques Parizeau et autres en 1983,   http://lisulf.quebec/SF2.htm, SF2, avril 1983, pp. 17-20.

RŽf. 2. Pierre Duchesne: sa biographie de Jacques Parizeau en 3 tomes, QuŽbec-AmŽrique.

.  Description : Macintosh HD:Users:pierre1:Desktop:6.Captures d'écran:ParizeauparDuchesne 2015-08-01 à 07.38.01.png.

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Le culte de l'absurde. La Reine ƒlizabeth.

*****De Jeanne d'Arc, Charles VII et Pierre Cauchon ˆ  Jacques Parizeau, RenŽ LŽvesque et Pierre-Elliott Trudeau.

Pierre Demers, Yves Saint-Denis.

J'ai relu l'historique du XVe sicle et j'essaie de m'en servir pour comprendre celui du XXe. Dans les deux cas, les ŽlŽments que je mets en parallle touchent la rivalitŽ anglo-franaise.  Ce qui me frappe et que j'essaie de tirer au clair, est l'exploitation commune de l'absurditŽ.

 

Au XVe sicle.

AbsurditŽ, mensonge, stupeur, comme l'ont fait ressortir Claudel et Honegger dans le passage suivant de Jeanne d'Arc au bžcher, dans une scŽnographie dŽpouillŽe et frappante, avec une chirale en errire-plan. Il s'agit du Tableau LivrŽ aux btes. Voici le texte.  RŽfs 1 ˆ 5.

 

LÕåne

Jeanne, reconnais-tu que cÕest par lÕaide du Diable trs

puissant Notre Seigneur...

Tous font le geste de se lever.

Porcus

Assis! assis ! quels idiots! Assis au nom du Diable!

Il arrache le papier des mains de lÕåne.

Jeanne, reconnais-tu que cÕest par lÕaide du Diable que tu as

tout fait?

Jeanne

Je dis: non!

Porcus

QuÕest-ce quÕelle dit?

LÕåne

Elle dit quÕelle dit oui.

Porcus

ƒcrivez quÕelle a dit oui! Et maintenant je vais consulter le tribunal.

SÕadressant ˆ droite au premier assis:

Pecus, quid dicis?

 

.  Description : Macintosh HD:Users:pierre1:Desktop:6.Captures d'écran:ArgentineJeanneaub2015-08-09 à 10.48.55.png.

Fig. 1. Argentine. Une reprŽsentation de Jeanne d'Arc au Bžcher de Paul Claudel et Arthur Honegger. RŽf. 1. ArgentineJeanneaub2015-08-09 à 10.48.55.png

 

Quand commence le rgne du Diable remplaant un non par un oui et rŽciproquement, l'absurde se met au service du plus fort, la vie raisonnable est suspendue et il n'y a plus qu'ˆ attendre la mort.

Qui ajouterait ici un document scŽnographique adŽquat? Par exemple les costumes des joueurs de cartes, o qui perd gagne et qui gagne perd. De quoi dŽsorienter le sens commun. Voici ce qui vient d'Argentine. Est-ce Porcus sous sa pourpre Žpiscopale, est-ce l'åne coiffŽ de son bonnet pointu?

C'est Jeanne dominant l'histoire.

(Et  qui est lˆ en prudente redingote?)

 

Et cette scne montrant Jeanne, figurŽe par Isabelle Huppert, faisant face ˆ son bourreau, montant au bžcher en montrant ses seins, dernire affirmation de sa vitalitŽ confiante dans le triomphe final de la VŽritŽ. Jusqu'au bout.

 

  .Description : Macintosh HD:Users:pierre1:Desktop:6.Captures d'écran:HuppertleBourreau2015-08-13 à 17.43.14.png.Description : Macintosh HD:Users:pierre1:Desktop:6.Captures d'écran:HuppertetleBourreau2015-08-13 à 17.43.42.png.Description : Macintosh HD:Users:pierre1:Desktop:6.Captures d'écran:IsabelleHuppertseinsnusbis.png.

Figs 2. 3, 4. Scne finale. Dans une reprŽsentation de Jeanne d'Arc au bžcher au Chatelet. Isabelle Huppert, montant au bžcher seins nus, dernire affirmation de sa vitalitŽ confiante dans le triomphe final de la VŽritŽ. Le bourreau, la rencontre, seule. "C'est vraiment moi que vous voulez bržler... "Merci ina.fr

 

Au XXe sicle.

La nuit des longs couteaux. RenŽ LŽvesque, chef d'un gouvernement quŽbŽcois comprenant Jacques Parizeau comme TrŽsorier. L'officialisation d'un mensonge: QuŽbec a dit NON. Canada a fait comme si QuŽbec avait dit OUI!

 

Ce fut la Nuit des Longs Couteaux, du 3 au 4 novembre 1981. RŽf. Devant tant d'arrogance, on se dit que Trudeau, la Reine et leurs amis doivent avoir des ressources imbattables toutes prtes pour mater toute vellŽitŽ d'opposition. Une camisole de force. Ce que les Anglophones appelrent le "Kitchen Party". Mieux vaut filer doux. Doux ou orageux, le temps a filŽ birnt™y34 ans depuis lors. 16VIII2015.

 

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Fig. 5. Trudeau impassible, LŽvesque retenant sa rage. C'Žtait au matin de la nuit des longs couteaux, ˆ Ottawa le 4XI1981. Merci La Presse. RŽf. 7.

 

.  Description : Macintosh HD:Users:pierre1:Desktop:2.lisulf.quebec:SF038_fichiers:image039.png.

Fig. 6. La reine ƒlizabeth, confirmation finale de la confŽdŽration du Canada sans le QuŽbec. Des visages souriants ˆ Ottawa, 17IV1982.

 

 

Quelles furent les rŽflexions de Jacques Parizeau ˆ ce moment-lˆ?

 

Le seul processus logique Žtait celui-ci: les deux parties, le Canada et le QuŽbec, par un acte de leurs gouvernements respectifs, conviennent que, depuis 1981, le QuŽbec est en dehors du Canada. Enfin, par son choix, Canada cesse d'exercer son autoritŽ dans le territoire du QuŽbec et le QuŽbec exerce sa pleine autoritŽ sur son propre territoire.

 

RenŽ LŽvesque et Claude Morin, prŽsents ˆ Ottawa, auraient pu annoncer, la mine rŽjouie, sur le champ en ce matin du 4 octobre 1981, que c'Žtait lˆ leur intention. Facile ˆ dire en 2015, mais l'histoire est ce qu'elle est.

 

Au XXIe sicle.

Il ne fut rien de ce processus logique. Le Canada et le QuŽbec firent et font encore en 2015 comme si le QuŽbec avait dit OUI lors qu'il avait dit NON. Aprs 23 ans, "le fruit n'est pas encore mžr", pour reprendre l'expresson de Kathleen Wynne. Voyez Fig. 7.

 

. Description : Macintosh HD:Users:pierre1:Desktop:2.lisulf.quebec:SF038_fichiers:image004.png .

Fig. 7. Photo: ClŽment Allard La Presse canadienne.Fig,1. Kathleen Wynne et Philippe Couillard durant leur rencontre ˆ QuŽbec, 21VIII2014.Extraits."La place du QuŽbec dans le Canada ne figure pas sur lÕŽcran radar des Canadiens", a indiquŽ jeudi la premire ministre de lÕOntario, Kathleen Wynne.Au terme dÕune rencontre avec son vis-ˆ-vis Philippe Couillard ˆ QuŽbec, la premire ministre Wynne a estimŽ ˆ son tour que le fruit nÕŽtait pas mžr pour une reprise des pourparlers visant ˆ rŽintŽgrer le QuŽbec dans le giron constitutionnel — dont il est exclu depuis 1982.* 

"La place du QuŽbec dans le Canada ne figure pas sur lÕŽcran radar des Canadiens, a indiquŽ jeudi la premire ministre de lÕOntario, Kathleen Wynne.

 

Fig. 8. Couillard et Harper en conversation, marquant le bicentenaire de la naissance de George-ƒtienne Cartier. QuŽbec.

Les premiers ministres Stephen Harper et Philippe Couillard ont profitŽ de la commŽmoration dÕun personnage important de lÕhistoire canadienne pour croiser le fer sur le terrain constitutionnel, samedi. " (George-ƒtienne Cartier, 6 septembre 1814-20 mai 1873). RŽf.

 

Au bŽnŽfice des hŽritiers de Pierre Cauchon, le triomphe sordide de la dŽmoniaque absurditŽ. Est-ce pour toujours? Y-at'il une justice sur terre ˆ espŽrer quand cette terre est couronnŽe de la Reine ƒlizabeth?

 

Dernire heure, un message d'Yves saint-Denis du 16VIII2015.

"Mais pourquoi le 4 octobre ?  La Nuit des longs couteaux Žtait celle du 4 au 5 novembre 2001.  Au mois de fŽvrier de 1982, lÕAssociation canadienne-franaise de lÕOntario, dont jÕŽtais le prŽsident gŽnŽral, est allŽ en cours suprme du Canada  soutenir pendant trois jours, avec Ma”tre ƒmile Colas comme plaideur :  ÒLE DROIT DE VETO CONSTITUTIONNEL DU QUƒBEC, UN DROIT AU SERVICE DES FRANCO-ONTARIENSÓ.  En avril de cette annŽe-lˆ, nous apprenions que nous Žtions dŽboutŽs.  Rappelons que les 9 juges, dont le douteux Bora Larskin, avaient tous ŽtŽ nommŽs par des fŽdŽrastes."

 

Yves Saint-Denis, M. A., Ph. D.

Ancien prŽsident gŽnŽral de l'ACFO

NDLR. YSD expliquera ce qui s'est passŽ les 4 et 5 XI 2001.

 

RŽfŽrences.

RŽf. 1.  * ci-dessus, dans le prŽsent SF042.

Pierre Cauchon.

"Pierre le sinistre Žvque de Beauvais. Le nom seul de ce franais tra”tre ˆ son pays a soulevŽ comme un long cri de rŽprobation ˆ travers les sicles".

RŽf. 2. http://www.herodote.net/Charles_VII_de_Valois_1403_1461_-synthese-118.php

Charles VII de Valois (1403 - 1461) Le Bien Servi ou le Victorieux.

"chassa les Anglais pour de bon, mettant fin pour de bon ˆ la guerre de Cent Ans."

RŽf. 3. http://www.hymnusiana.org/bachakademie.pdf

 

.  .

Fig. 9. Paul Claudel und Arthur Honegger (Photographie von Marcel Arthaud,1943.

 

Jeanne

Et quand Jeanne au mois de mai monte sur son cheval de

bataille, il faudrait quÕil soit bien malin celui qui empcherait

toute la France de partir. Les entends-tu ces cha”nes de tous

les c™tŽs qui Žclatent et qui cassent? Ah! ces cha”nes que jÕai

aux mains, elles me font rire! Je ne les aurai mie toujours! On

a vu ce que Jeanne peut faire avec une ŽpŽe. La comprends-tu

maintenant, cette ŽpŽe que Saint Michel mÕa donnŽe? Cette

ŽpŽe! Cette claire ŽpŽe! Elle ne sÕappelle pas la haine, elle

sÕappelle lÕamour!

 

RŽf. 3. La nuit des longs couteaux.

http://www.republiquelibre.org/cousture/COUTEAU.HTM

une charte canadienne des droits et libertŽs qui aurait prŽsŽance sur toute loi fŽdŽrale ou provinciale. L'un des objectifs avouŽs de cette charte (aussi appelŽe la "clause Canada") est de neutraliser certains articles de la loi 101, cette mesure qui vise ˆ protŽger le franais au QuŽbec.

Nuit du 4 au 5 novembre 1981: C'est la fameuse "Nuit des Longs Couteaux".   Claude Morin et moi    Le 20 mai 80 (le rŽfŽrendum) avait ŽtŽ jour de deuil, infiniment triste. Ce 5 novembre 81, c'Žtait jour de rage et de honte.

 

RŽf. 4. http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/rene-levesque/

"Avec lÕaccord de neuf provinces, Trudeau poursuit alors la mise en Ïuvre de son plan. La Constitution rapatriŽe est signŽe par la reine Elizabeth au printemps 1982 avec le soutien de tous les gouvernements provinciaux sauf celui de LŽvesque qui reprŽsente la deuxime province la plus peuplŽe du pays. Ce point relativement mineur allait empoisonner le pays et ses premiers ministres pour les annŽes ˆ venir.

le dŽfenseur virulent de lÕidŽal dÕune sociŽtŽ quŽbŽcoise distincte refusant dÕapprouver la constitution de 1982 et laissant au sein de la FŽdŽration une plaie ouverte qui suppure encore".

 

RŽf. 5. http://www.lisulf.quebec/SF038.htm

 

RŽf. 6. http://www.ledevoir.com/politique/quebec/418035/couillard-croit-que-des-ententes-administratives-satisferaient-les-quebecois

Couillard croit que des ententes administratives satisferaient les QuŽbŽcois. 9 septembre 2014 20h56 |La Presse canadienne.

 

RŽf. 7. SF038, http://www.ledevoir.com/politique/quebec/335367/30-ans-apres-la-nuit-des-longs-couteaux-le-debut-de-l-isolement-du-quebec

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L'Argent... Le Vote Ethnique... Si....

 ***** *Les paroles de Jacques Parizeau le soir du 30 octobre 1995.

Pierre Demers.

Si Jacques Parizeau avait dŽcidŽ de foncer, en cette soirŽe du 30 octobre 1995, et si ses conseillers avaient dŽcidŽ de l'appuyer, l'issue de ces paroles aurait pu tre inversŽ au bŽnŽfice du OUI. Il n'aurait pas dŽmissionnŽ.

J'en tiens ˆ l'appui la documentation ci-dessous signŽe Philpot, Action Nationale, Lester, ONU, Patrimoine Canada, Option Canada, Conseil de l'UnitŽ Canadienne, Conseil PrivŽ etc.

Je n'admets nullement cette assertion: que la dŽclaration de J. Parizeau fut Ç une erreur politique grave È.

Elle donna lieu ˆ une attaque politique grave.

RŽfŽrences

RŽf. 1. http://www.action-nationale.qc.ca/index.php?option=com_content&view=article&id=577:robin-philpot-le-referendum-vole&catid=219&Itemid=522

Cinquante ans plus tard, le Canada gre mieux son image internationale que sa rŽalitŽ. Les souverainistes eux-mmes sont rŽticents ˆ dŽnoncer cette image trop lisse. Le commissaire Philpot a rencontrŽ quelques-uns des marionnettistes et les a interrogŽ sur 4,8 millions de dollars que Patrimoine Canada a accordŽ ˆ Option Canada, le Ç bras politique È du Conseil de lÕunitŽ canadienne. Ë cette somme il faut ajouter 2,5 millions donnŽs par le Conseil privŽ au Bureau des relations intergouvernementales. Les calculs de la DGE vont bien au-delˆ : Ç Mon calcul que cÕest 11,8 millions de dollars, plus les 4,8 millions, plus les 15 millions avant le rŽfŽrendum. È (p. 63)

Dans cette multitude de faits et de mŽfaits lÕauteur ne perd pas de vue le plus grave et le plus structurant, le coup de force constitutionnel de 1982, rŽalisŽ sans mandat et jamais ratifiŽ par QuŽbec. Ds lÕorigine, la Cour suprme lÕa dŽclarŽ illŽgitime. Le passage du temps nÕa pas effacŽ cette violation, bien au contraire. Au risque de passer pour Ç pur et dur È, faute grave par les temps qui courent, Philpot tire la seule conclusion consŽquente :Le QuŽbec doit se soustraire systŽmatiquement et fermement ˆ lÕapplication de la Constitution canadienne de 1982. Le QuŽbec doit le faire positivement, au nom du droit international, au nom des droits de la personne et au nom de la souverainetŽ du peuple et de son Parlement, lÕAssemblŽe nationale du QuŽbec. Il doit le faire au nom des grandes chartes  internationales dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adoptŽ par lÕONU en 1966, qui dans son article premier stipule : ÒTous les peuples ont le droit de disposer dÕeux-mmes.Ó Pacte dont le Canada est signataire. Nous soustraire ˆ la Charte canadienne des droits et libertŽs sera notre Òcharte des droits du peuple quŽbŽcoisÓ (p. 129).

On peut reconna”tre avec R. Philpot que la dŽclaration de J. Parizeau fut Ç une erreur politique grave È car elle aura fourni au Canada lÕoccasion de se refaire une virginitŽ ˆ bon compte, de Ç faire la leon ˆ un QuŽbec qui serait fondamentalement raciste È (p. 54). Pourtant, cÕest le comitŽ du NON qui a organisŽ la coalition des trois communautŽs ethniques les plus nombreuses du QuŽbec (6%). Cette coalition a tenu une confŽrence de presse, le mardi 24 octobre, pour inciter les Grecs, les Italiens, et les Juifs du QuŽbec ˆ voter non. Ç Du mme souffle ils ont mis en garde les dirigeants souverainistes de ne pas faire de distinction entre le vote des minoritŽs et le vote de lÕensemble de la population quŽbŽcoise È (p. 65).

RŽf. 2. http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/referendum-du-quebec-1995/

RŽfŽrendum du QuŽbec (1995)Tenu le 30 octobre 1995, ce rŽfŽrendum sur la souverainetŽ du QuŽbec sÕest soldŽ par une victoire ˆ l'arrachŽe du camp du "Non", comme celui de 1980.

RŽf. 3. http://www.electionsquebec.qc.ca/francais/actualites.php?categorie=676  dge le rŽfŽrendum de 1995

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