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Clones à vendre: quand les médias font le jeu des raéliens

Jean-Claude Leclerc

Le mercredi 11 avril 2001

Invités à Washington à donner leur avis sur le clonage humain, le chef du mouvement raélien et son expert «scientifique» ont couronné une habile campagne de presse par une controverse propre à faire rêver tout propagandiste.

Si la plupart des médias n'ont pas manqué de signaler les idées de cette secte qui prône l'amour «libre» et un paradis de petits êtres verts, la publicité qu'ils lui ont faite à la grandeur de l'Amérique pourrait avoir des conséquences moins innocentes qu'il n'y paraît.

Certes, à peine quelques centaines de raéliens attendent encore le retour des «élohim», ces extraterrestres avancés qui auraient créé la vie humaine «en laboratoire». Mais, des milliers de gens sont prêts à payer le prix fort pour avoir une descendance recréée par Clonaid, la firme insaisissable chargée par la secte de réaliser l'exploit.

L'automne passé, une représentante de Clonaid déclarait au New York Times que cette société clonerait un bébé cet hiver. En janvier, elle disait au magazine Time qu'on allait commencer en février. Février venu, la même représentante disait à Saturday Night qu'on ferait le clone en mars (photo d'une future mère porteuse à l'appui). Quand Jan Wong, du Globe and Mail, pose la question en mars, Clonaid espère avoir un embryon à la mi-avril.

Entre-temps, un couple américain, prétend le chef raélien, a investi un million de dollars dans Clonaid, soit 40 % du capital, ce qui lui vaudra d'obtenir le premier clone gratis. Pour le deuxième clone, le prix, fixé à 200 000 dollars, pourrait grimper. Car la liste d'attente, déjà rendue à 2000 noms (un marché de 400 millions de dollars), pourrait, bébé venu, atteindre 20 000 requérants.

Pourra-t-on répondre à la demande? Le chef raélien a suggéré à l'experte responsable du laboratoire de procéder, dit-il, par «vente aux enchères». La suggestion étonne. Car des extraterrestres, a révélé ce prophète, lui ont livré le secret de la multiplication des pains. Pas de miracle là-dedans, mais de la nourriture synthétique déshydratée: un peu d'eau et voilà de quoi rassasier la foule. Ne peut-on - le savoir de ces créateurs étant fort avancé - multiplier les clones et faire autant d'heureux?

Sans compter les revenus pour Clonaid, ajouterait l'observateur malveillant.

Si les dirigeants de la secte, tant au Québec qu'en Floride, ne pratiquent aucun voeu de pauvreté, c'est à tort que certains voient dans ce mouvement une simple affaire d'argent. Les dirigeants ont trouvé dans le clonage une occasion publicitaire en or d'attirer de nouveaux membres, mais la secte n'a pas renoncé pour autant à ses croyances.

On y parle moins d'un gouvernement du monde par les génies, certes, et cette religion, qui ne voulait pas en être une, est devenue officiellement une Église. Mais sa direction prépare toujours l'accueil d'êtres supérieurs venus d'ailleurs. Une cohorte de jeunes femmes seraient même recrutées, depuis 1997, pour être les futures hôtesses des «élohim». Le prophète a-t-il précisé avoir reçu à cet égard une directive d'en haut? Un chercheur, Jacques Cherblanc, n'a pu en trouver de preuve formelle.

Entre-temps, des membres n'en continuent pas moins de communiquer avec des chefs extraterrestres. Récemment encore, du 4e étage d'un institut, rue Bloor à Toronto, certains s'envolaient par télépathie vers la planète des élohim, distante d'une année-lumière (un astre fort mystérieux, car l'étoile la plus proche observée par les astronomes est à quatre années-lumière, note la journaliste Wong, qui fut du voyage...).

Rêve ou réalité?

Or, curieusement, la presse, souvent dédaigneuse de la religion, a fait de ce projet de clonage une réalité, sans vérifier l'état du laboratoire (secret), la préparation physiologique des porteuses (apparemment nulle), ou la compétence des «scientifiques» associés au clonage (inconnue). On aura même donné aux prétentions d'une secte éthérée plus de visibilité qu'aux mises en garde, sévères, de chercheurs ayant procédé à de vrais clonages.

Les médias ne pouvaient tomber dans pire panneau. Comme d'autres sectes, celle-là vit de publicité. Aucun sujet ne lui répugne qui peut la faire connaître, notamment des jeunes en mal d'un milieu chaleureux et d'une conception rassurante de la vie. Artistes, littéraires, plus d'un ont plongé dans la méditation «sensuelle», ce qui n'a rien de très neuf, mais surtout dans une mystique pseudo-scientifique.

Ils viennent de partout, mais d'abord du Québec, où ils sont tenus pour des originaux, mais pas nécessairement des détraqués. Dans ces Clubs Med pour hippies célestes, on ne voit pas grand-chose de nocif, encore moins de dangereux. La publicité obtenue par le mouvement aurait-elle vacciné le public contre trop de circonspection?

Pourtant, plusieurs traits de cette secte donnent à réfléchir. Si ses croyances ne sont guère plus étonnantes que d'autres, quelques-unes de ses méthodes rappellent trop certains embrigadements néfastes pour qu'on ne tente pas de faire la lumière sur elles. Hiérarchie sans responsabilité, culte du chef, intolérance aux dissidents, cession de biens personnels, réduction des femmes en «caste de service» sinon en servage sexuel. Sans oublier les tactiques d'intimidation des journalistes, moins fortes aujourd'hui mais néanmoins présentes.

Plus troublant encore, certains raéliens sont pris du désir d'aller sur une autre planète. D'aucuns semblent même disposés à entreprendre le voyage sans attendre la soucoupe des élohim. On se contenterait d'en sourire si plusieurs de nos contemporains, européens et québécois, n'avaient cru trouver, voici peu d'années, une vie meilleure sur Sirius. Ils ne sont jamais revenus du voyage, organisé par l'Ordre du Temple solaire. Si certains d'entre eux ont été contraints à pareil départ, d'autres s'y étaient inscrits consciemment.

On s'explique mal les raisons qui ont poussé ces gens, non seulement à se préparer pour une autre «planète», mais à entrer dans une secte telle que l'OTS. Bien sûr, certains groupes, si bizarres soient-ils, offrent un havre et un idéal valables autant que la plupart de nos milieux de travail et de loisir! Mais chez plusieurs, force est de se demander si on ne confond pas libre choix et aliénation maladive.

Des pays comme la France et l'Allemagne ont entrepris une action parfois jugée inutilement répressive. Si la police est mal outillée pour comprendre le phénomène dans ce qu'il a de pathologique ou d'antisocial, la recherche, elle, commence à peine à y jeter un peu de lumière. Une étude plus poussée des motifs des membres et de leur itinéraire antérieur ne serait-elle pas fort utile?

Au Québec, en tout cas, la dénonciation des sectes n'a guère freiné leur prolifération. Avec une facilité déconcertante, la plupart des milieux accueillent sans sourciller le premier guru venu. Dans le cas du groupe raélien, l'appartenance semble faible, et le roulement, important. Mais qu'il s'en trouve encore pour y adhérer ne devrait laisser personne indifférent.

Lectures complémentaires

* «Stratégies sociales des groupes religieux» , dans Religiologiques, dir. M. Geoffroy et J.-G. Vaillancourt, coédition UQAM (Montréal) et GERFO (Strasbourg), automne 2000, 313 p.
* Le Catholicisme québécois, R. Lemieux et J.-P. Montminy, IQRC, coll. Diagnostic, PUL, Sainte-Foy, 2000, 140 p.

Jean-Claude Leclerc enseigne le journalisme à l'Université de Montréal.

 
   
 
 

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