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Mes souvenirs de Marie-Victorin

Pierre Demers

Quelques notes

rédigées afin de renseigner ma petite-fille

Éliane

Quand je suis entré, en 1933, à la Faculté des sciences de l'Université de Montréal, rue Saint-Denis, j'avais été instruit au sujet du Frère Marie-Victorin surtout par mon professeur de biologie au Collège Jean-de-Brébeuf, le Père Bernard Taché, sj. Il était dans mon esprit un personnage important, supérieur, et il m'intimidait beaucoup. J'ai appris depuis ce temps que dans la vie, tous les humains sont égaux et que nos relations mutuelles doivent être basées sur la raison encore plus que sur le respect.

J'ai assisté à toutes les conférences publiques qu'il a données, dans une grande salle surchauffée et remplie à craquer, située à l'étage principal de la bâtisse. Je me souviens entre autres de celles qu'il donna à son retour d'Afrique et de Cuba.

J'ai participé à un bon nombre de ses séances d'identification, alors que je lui soumettais des spécimens de ma collection, montés sur un carton. Il confirmait ou corrigeait les noms des plantes que j'avais récoltées. De la sorte, je lui ai apporté quelques nouveautés. L'une que j e me rappelle à l'instant touche un certain potamot, plante aquatique : Potamogeton Robbinsii, Potamot de Robbins que j'avais récoltée au lac Sainte-Françoise, non loin de Trois-Pistoles. À la suite de cette séance, il ajouta cette localité comme extension d'aire, dans la Flore Laurentienne qu'il rédigeait alors.

J'ai un herbier de plus de mille spécimens, parmi lesquelles quelques unes ont été soumises à ces séaance d'identification.

Le plus souvent, j'avais tellement de spécimens qu'il me fallait revenir, parce que d'autres autour de moi devaient aussi avoir leur tour. Ces séances se tenaient dans la salle de l'herbier, aile sud-est au niveau de la rue Saint-Denis. De la rue, on apercevait par les fenêtres de cette salle les marguerites allemandes, modèles de grande taille.

Au milieu de l'avant-midi et de l'après-midi, tous ses collaborateurs se réunissaient autour de lui, dans son bureau à l'angle nord-est de l'immeuble, pour une pause-café. Quelques fois, je me suis rendu à ces brèves rencontres. Les collaborateurs présents étaient : Émile Jacques, Armand Frappier, Dr Simard, Ernest Rouleau, Marcel Raymond, Roger Gauthier, F. Adrien, F. Rolland-Germain, Gustave Chagnon, Jules Labarre, André Champagne, Marcel Cailloux, Marcelle Gauvreau, M. Aubert, Jacques Rousseau, Jules Brunel, Dr Barbeau, l'abbé McDuff le bryologue (spécialiste des mousses), Germaine Bernier, F. Alexandre son dessinateur, Georges Préfontaine, Henri Prat, ces deux derniers faisant exprès puisqu'ils descendaient de leur laboratoire au 4e étage.

C'est dans ce bureau que Marcel Cailloux a pris les deux seules photographies en couleurs que l'on possède de Marie-Victorin. C'est aussi dans ce bureau que je me suis rendu, surmontant ma timidité, pour lui demander d'autographier l'exemplaire de la Flore Laurentienne que je venais d'acheter. C'était en 1935ß.

Une autre fois, je m'y suis rendu pour lui demander un lettre de recommandation.

Quand il mourut, sur le chemin d'une herborisation, prés de Sherbrooke, dans l'auto conduite par André Champagne, j'écrivis un hommage poétique : Les dernières paroles de Marie-Victorin, que publia la revue Aujourd'hui, dirigée par Roger Duhamel.

48. Les dernières paroles du Frère Marie-Victorin, Pierre d’Oïl,

Aujourd’hui, 61, 38-41, 1944

http://www.lisulf.quebec/ PierreDemersBibl1940-9.html

C'est là un peu d'une histoire de gloire et de fierté. L'histoire de demain s'écrit laborieuement à chaque jour, qu'on s'appelle Marie-Victorin, Pierre ou Éliane.

Grand' papa Pierre

Pierre Demers, Saint-Laurent (Montréal), 10 février 2003